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ANATHEMA

Entretien avec Danny Cavanagh (guitare, choeurs)

17/08/07 - La Cantada - Paris

Anathema connait une sorte de traversée du désert depuis la mort de son ancien label Music For Nation. Mais le bout du tunnel n'est sans doute pas loin car les choses se précisent chez les anglais de Liverpool. L'écriture pour le prochain album, provisoirement intitulé "Paradigm Shift", est terminée et le groupe s'apprète à dévoiler ces nouveaux titres cet automne en compagnie de Porcupine Tree. C'est un Danny Cavanagh très motivé par l'enjeu qui nous explique la génèse et les projets futurs du groupe.

Anathema a joué récemment au Download Festival de Castle Donington. C’est à ce jour le plus gros concert du groupe. Comment as-tu vécu l’expérience ?

C’est tout simplement le concert que je préfère parmi tout ceux que j’ai pu donner. Et j’ai joué plus de 1000 concerts. Ces 30 minutes ont été spéciales. Je ne pense pas avoir donné plus de moi même dans un autre concert. Une des raisons à cela est que la musique en Angleterre est tellement dirigée par les médias. Cela nous met toujours sous pression car Anathema n’est pas un groupe très médiatique. Nous n’avons pas beaucoup d’exposition même si nous avons toujours eu de bonnes critiques. Mais nous sommes vraiment moins exposés que la plupart des groupes américains et anglais dans des magazines du type de Kerrang ! Il y a vraiment une pression pour nous en Angleterre car personne ne nous connaît. Nous avons toujours quelque chose à prouver là bas. Nous avons joué pour 35 000 personnes sur la tournée avec HIM. Leurs fans ne savaient pas qui nous étions. Ca te met la pression car tu viens d’Angleterre et tu as l’héritage de la culture rock. Mais les gens ne nous connaissent pas et les journalistes disent que nous avons manqué notre chance à l’époque de « Judgement » et que nous sommes finis. Nous devons donc monter sur scène et montrer que tout cela est faux et qu’en réalité nous sommes meilleurs que jamais. C’est ce que nous faisons. C’est un processus naturel en musique d’avoir cet échange d’énergie entre le groupe et le public. Sur la tournée avec HIM ça a été plutôt difficile avec leurs fans. Mais je n’ai pas voulu prendre ça en considération et j’ai donné tout ce que j’avais. Si bien que finalement le public finissait pas nous répondre. Ca a été la même chose au Download. Il y avait une certaine ambiance pendant les groupes qui jouaient avant nous. J’ai parlé à Vincent à propos de ce qu’il allait dire sur scène pour s’adresser au public. Je pense qu’il a dit ce qu’il fallait (ndlr : Vincent a mentionné à plusieurs reprises le caractère unique et à part d’Anathema dans cette affiche parfois monolithique). Nous avons choisis les bonnes chansons à jouer et tout s’est très bien passé. C’est vraiment le concert que j’ai préféré de toute ma carrière.

Quoi de neuf dans la recherche de maison de disque ?

Ca se passe très bien. Le label que nous voulons aux Etats-Unis a une réponse plutôt positive. Nous écoutons vraiment les conseils de notre nouveau manageur. Il est américain. Il croit en nous et il sent que nous sommes sur le point de faire quelque chose de vraiment particulier. Il pense qu’il vaut mieux que nous fassions l’album nous même, sans l’aide d’un label, et qu’ensuite tout sera beaucoup plus facile pour nous. Nous aurons de meilleures offres et nous serons mieux traités. Nous allons d’abord jouer toutes nos nouvelles chansons lors de la tournée avec Porcupine Tree cet automne. Nous allons enregistrés chaque concert car c’est de là que provient l’énergie et nous ne sommes pas vraiment un bon groupe de répétition. Nous allons ensuite écouter ces enregistrements car il se peut que je me dise : Oh j’ai fait un truc super à la guitare au concert de Cologne. Ecoutons ça ! Puis nous allons réunir l’argent pour enregistrer ce nouvel album. Il y aura 14 chansons. Je ne pense pas que d’autres titres arrivent à se hisser au niveau de l’album. Il y aura Hurt de Johnny Cash dessus. Nous allons enregistrer les 14 titres, obtenir tous les droits et ensuite l’album sera mixé avec chance par la personne que nous avons en tête. Nous récolterons ainsi directement le fruit de notre travail et nous n’aurons besoin d’un label que pour la distribution de l’album.

Ne penses tu pas tout de même qu’il sera difficile de financer l’album sans l’aide d’une maison de disque ?

Non. Ce sera au contraire plus facile (rires). Nous avons juste besoin de passer à la banque !

Tu m’avais parlé de l’idée de faire un double album en janvier 2006 à Londres. Est-ce toujours d’actualité ?

Oui c’est toujours l’idée. En fait certaines chansons doivent apparaître sur l’album mais elles sont devenues de plus en plus longues au fur et à mesure. Des titres comme One Day par exemple ou Hurt de Johnny Cash. Ces titres améliorent l’album et ne peuvent pas être mis de côté. J’ai le sentiment que nous ne pouvons écarter aucun de ces 14 titres. Si nous le faisions nous ferions tout simplement un moins bon album. Du coup nous avons 85 minutes de musique et c’est beaucoup trop long d’une seule traite. C’est plus long qu’un album de The Mars Volta. Pour moi nous ne devions pas dépasser 65 minutes jusqu’à ce que je pense à séparer tout ça en 2 disques. L’idée m’est venue grâce à un album intitulé « Aerial » que Kate Bush a sorti il y a 2 ans. Il n’est pas si long que ça. 7 chansons sur un disque et 9 sur l’autre. Ca fait comme 2 minis albums. Ce n’est pas quelque chose de trop immense. Ca reste concis tout en étant gros, mais pas trop. L’idée pour nous est de faire un album de 40 minutes et un autre de 40/45 minutes. 2 minis albums en quelque sorte.

Tu as également l’air d’avoir un producteur précis en tête…

Oui. Mais je ne l’ai pas encore approché pour lui en parler. C’est quelqu’un de très occupé, qui refuse un peu en ce moment de se consacrer à la production mais je pense savoir quand il aura du temps libre. Je pense qu’il serait en phase avec nous car il comprend nos influences les plus contemporaines et nous sommes sans doute sur la même longueur d’ondes. Il est très au courant de tout ce qui se passe. Il connaît très bien la musique d’Anathema. Mais je pense davantage à une co-production entre lui et nous. J’aimerai lui laisser la liberté de faire les arrangements qu’il souhaite tout en le guidant vers ce que je veux obtenir. Le corrompre en quelque sorte (rires). Mais au final j’aimerai que toutes les décisions soient prises ensemble.

Tu as déclaré à plusieurs reprises que ce nouvel album va marquer un gros pas en avant dans la musique d’Anathema. En quoi sera-t-il si différent ou plus ambitieux que les précédents ?

Dès le départ j’ai senti que ces nouvelles chansons étaient plus consistantes. Nous avons toujours eu de très bonnes chansons sur nos albums. Nous avons One Last Goodbye, Judgement, Temporary Peace, Panic, Closer et Flying. Mais nous n’avons jamais fait d’album où toutes les chansons sont de ce niveau. Je pense que tous les titres de ce nouvel album sont aussi bons les uns par rapport aux autres. Il y en a même certains qui figurent vraiment parmi les meilleures choses que nous ayons pu faire. Vers la fin de l’album, il y a une chanson de John, notre batteur, qui sera probablement le morceau titre de l’album. Les 5 dernières minutes de ce titre sont peut être les meilleures de notre carrière. Elles sont tellement bonnes, tellement intenses. Il y a ce riff au piano, cette grosse production d’accord et un rythme qui devient de plus en plus gros. Cette partie déchire. C’est le meilleur truc que nous ayons fait. Il y a eu plein de moments comme ça. Lorsque nous avons écouté certaines parties la première fois, on s’est regardé en se faisant : Jesus fuckin’ Christ ! La puissance des accords, la beauté de la mélodie et l’intensité du rythme. Il y a plein de moments comme ça dans cet album.

L’écriture des morceaux semble également plus libre...

Oui c’est un réel effort de groupe et Vincent en est très heureux car il se sent vraiment impliqué dans cet album. Il peut vraiment s’exprimer. Vincent, John et moi-même formons le chœur des idées et de l’écriture de la musique tandis que Jamie, Les et Lee nous aident à leur faire prendre forme. Avec John et Vincent nous avons vraiment formé un ensemble de chansons très fortes. Même si tout le monde ne sera pas d’accord avec moi, je pense sincèrement que tous les titres sont aussi bons. Il s’agit de 14 titres intenses, passionnés, magnifiques, parfois fragiles mais les titres sont beaucoup plus durs que ce à quoi tout le monde s’attend. Il y a des moments agressifs mais toujours avec beaucoup de mélodie. C’est comme une sorte de grosse vague de rock métallique, orchestral et passionné.

Tu mentionnais Lee. Je remarque qu’elle figure désormais sur vos nouvelles photos promos. Est elle devenue un membre permanant du groupe ?

Elle chante beaucoup sur ce nouvel album. Elle s’harmonise à merveille avec la voix de Vincent. Je pense qu’elle chantera 5 ou 6 titres dans cet album. Peut être même plus. Elle fera des chœurs et bien sur elle sera la chanteuse principale sur certains titres. Nous n’avons pas vraiment écrit de titre spécifiquement pour elle comme avec A Natural Disaster mais elle a une importance majeure dans des titres comme Angels Walk Among Us ou Everything. Il y a aussi cette longue chanson Lightning Song qui est vraiment intense. Elle ne joue pas tous les concerts, mais elle est là la plupart du temps. Elle a un autre boulot à côté et elle doit demander parfois à s’absenter. Mais ça se passe bien en général. Elle est là, elle ne va pas s’en aller ailleurs. C’est Lee, c’est la sœur de John (rires). Qu’elle fasse officiellement parti d’Anathema ou non n’est pas vraiment important. Elle est des nôtres sans aucun doute. Sa voix ajoute une couleur très différente à notre musique. A Natural Disaster est souvent un de nos meilleurs moments en concert. C’est assez cool car lorsque nous faisons un mauvais concert, Lee arrive sur scène et tout d’un coup tout devient parfait. Parfois nous avons des concerts qui ne sont pas particulièrement bons. Lorsque je ne m’amuse pas sur scène et que le public est plat. Et quand Lee arrive, elle nous aide énormément.

Du fait des problèmes que vous vivez depuis la fin de votre ancien label Music For Nation, vous avez pu disposer de largement plus de temps que d’habitude pour écrire un nouvel album. Penses tu que cela a eu un impact sur les nouvelles compositions ?

Oui. C’est grâce à ça que tous les titres sont si bons. Nous avons eu le temps de les écrire, de les développer et le temps de les sélectionner. La sélection a été assez différente cette fois. Si l’album est vraiment aussi consistant du début à la fin, c’est largement en parti du au fait que nous ayons eu beaucoup de temps pour le faire.

Pensez vous être inspiré par cette démarche dans le futur et adopter un rythme d’écriture plus lent ?

Je ne sais pas. L’album qui succèdera à celui-ci sera un album simple. Je ne pense pas qu’il nous prendra beaucoup de temps. Ca ne nous demandera pas 3 ou 4 ans comme pour celui-ci. Ca nous prendra sans doute 1 ou 2 ans. Je pense que ce nouvel album va être un évènement marquant dans notre carrière. Ce sera probablement notre meilleur album. Je ne pense pas que nous l’égalerons un jour. Il s’agit certainement du sommet de la carrière d’Anathema. Nous allons probablement promouvoir cet album en tournée pendant très longtemps (rires). Nous allons jouer au moins 2 fois dans tous les endroits où nous sommes déjà allés auparavant. Une tournée entière avec Porcupine Tree, peut être une avec Opeth. Nous allons jouer davantage et allons commencer à avoir un style de vie plus professionnel. Même si aujourd’hui j’arrive à me débrouiller financièrement avec mes concerts solos et tout le reste. Les choses vont changer aux Etats-Unis. Nous n’avons jamais vraiment eu de bonne distribution là bas. Mais les gens nous connaissent. Un groupe comme Porcupine Tree peut jouer aujourd’hui devant 3000 personnes à New York. Nous pourrons aller là bas avec eux et convaincre ce public tous les soirs. Il nous faut juste une bonne distribution et une bonne équipe pour nous bosser là bas. Les fans savent lorsqu’un groupe fait ça pour de bon. Je suis très optimiste. Je sais que tout va bien se passer. Nous ne serons jamais la dernière tendance du mois, mais ça va bien fonctionner pour nous. Nous allons peut être atteindre beaucoup de gens. J’espère que nous y parviendrons car il y a un message très fort derrière nos nouvelles chansons. Il y a beaucoup d’amour et un sentiment magnifique d’énergie derrière ces chansons. Cet album va affecter les gens d’une manière positive. Certains titres bénéficient d’une source d’énergie très pure. Une énergie de la même nature que l’amour ou que les plus beaux rêves que tu peux faire. Qui vient de la même origine. Nous voulons répandre cette énergie positive dans les champs de l’esprit des individus.

Tu as déjà déclaré que cet album va changer des vies. Penses tu qu’il s’adresse aux gens qui trouvent de la consolation dans la musique ?

Oui mais je pense qu’il s’adresse à tous ceux qui voudront l’écouter. Depuis que j’ai commencé ma propre guérison il y a 2 ans, je suis devenu très sensible à la nature spirituelle de la réalité et à la nature spirituelle de l’amour ainsi qu’à l’essence de la vie. Je me suis ouvert à ça grâce à la vibration guérisseuse de la musique. Je me suis rendu compte tout à coup que notre musique a aidé des gens au cours de ces 10 dernières années. Notre musique les a aidé à se guérir et à découvrir certaines émotions cachées en eux. Nos fans sont très loyaux et à fond dans le groupe. Peut être que lorsqu’ils écouteront l’album, ils nous diront sur Internet que cet album les emmène dans un monde d’intelligence pure et d’énergie bienfaisante. J’ai tout juste réalisé à quel point tout ceci est profond. Cela ne fait que 2 ans que je me rends compte que la musique peut guérir les gens. C’est vraiment très agréable de sentir que tu peux en être à l’origine. Le fait d’avoir pu me trouver au fond de moi-même ces 2 dernières années, m’a aidé à comprendre tous les éléments de notre musique et l’effet que cela peut avoir sur les gens. C’est bien plus profond que je ne le pensais. Quand des gens pleurent lorsqu’ils entendent One Last Goodbye, nous ne faisons que débloquer des émotions qui sont en eux. Des émotions trop dures à ressentir et à révéler. Ca transparaît ensuite dans leur vie de tous les jours. Ils disent que ça les rend heureux, même si par exemple je n’arrive pas à imaginer qu’ « Alternative 4 » puisse rendre heureux qui que soit (rires). Mais après tout, c’est un bon album. C’est ce qui est bien avec la musique. Ca unit les personnes. C’est une des formes artistiques les plus fortes. Elle transcende et transforme l’auditeur pendant un moment et je ne pense pas que tout cela n’ait aucun sens. Les émotions résonnent et se réverbèrent sur les gens. La musique a cet effet positif. Personnellement un groupe comme Sigur Ros a eu cet effet sur moi. Ce groupe m’a permis d’être témoin du miracle de la vie. C’est quelque chose que j’ai sorti de moi-même mais qui s’est révélé en écoutant leur musique. C’est ce que les bons artistes font. Ils ouvrent des portes au sein de chacun.

Penses tu que la période difficile que vous venez de vivre, due à la fin de votre ancien label, a rendu tous les membres du groupe plus proches que jamais ?

Oui. Nous n’avons plus à écouter les gens du label nous dire oh combien nous sommes fantastiques. Nous sommes plus terre à terre. Nous nous suffisons à nous même. Nous avons un manageur qui nous convient. Les, notre claviériste, s’occupe d’organiser nos tournées et il est très bon pour ça. Nous n’avons pas besoin de mecs pour nous baiser le cul. Nous avons juste besoin d’un label pour distribuer nos disques et pour nous promouvoir dans la presse.

Merci à Danny pour sa confiance et son authenticité.