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ARSON ANTHEM

Entretien avec Mike IX Williams (chant)

13/03/08 - Par téléphone

La nouvelle Orléans est une ville pour qui l’adultère musical est une tradition. Du jazz à la scène metal, peu importe le style, les us et coutumes sont les mêmes et la partouse sonore est vivement conseillée. Tous les musiciens les plus réputés de Big Easy évoluent dans diverses formations et les 2 compères Phil Anselmo et Mike IX Williams ne font pas entorse à la règle. On savait depuis longtemps qu’Anselmo possède d’innombrables projets sous le coude et la création récente de son propre label Housecore Records vient faciliter leur exposition. Première sortie, uniquement disponible en import, Arson Anthem dévoile un punk/hardcore incisif, brutal et minimaliste à des années lumières de l’ambition et la profondeur de Down. L’âme de ce quartet réside incontestablement dans la camaraderie qui lie Anselmo et Williams. Ces derniers nous dévoilent encore un nouveau visage en régurgitant un premier EP éponyme qui divisera à coup sur ! C’est Mike IX Williams qui nous accorde, en exclusivité, un entretien à propos de la création de ce gang résolument dangereux ! Un musicien « culte », écorché vif et qui ne mâche pas ses mots.

Arson Anthem n’aurait peut être pas vu le jour sans le drame de l’ouragan Katrina. En tant qu’habitant de la Nouvelle Orléans, comment as-tu vécu ce désastre ?

Je suis resté dans la ville pendant le passage de Katrina. Tu sais les ouragans vont et viennent par chez nous et les gens les prennent rarement au sérieux. Personne n’a pensé qu’il pourrait s’agir du plus gros ouragan de notre histoire. Je suis donc resté en ville et l’ouragan en lui-même n’a pas été si terrible, contrairement aux inondations qui ont suivies. Mon quartier a été épargné par les inondations, et du coup il a été rapidement envahi pour une foule immense. On se croyait dans un film de zombies avec tous ces gens qui trainaient dehors sans pouvoir rien faire. Les choses ont commencé à se gâter et la situation est devenue violente. Il n’y avait ni nourriture, ni eau. La situation devenait urgente et nous ne pouvions même pas appeler la police. Toutes les lignes téléphoniques étaient coupées. La ville est vite tombée dans le chaos et j’ai décidé de partir. J’ai fini par me faire arrêter par la police, une fois que je suis sorti de la Nouvelle Orléans. J’ai passé 3 mois en prison dans cette petite ville non loin de Nola. Je me suis fait arrêter pour des histoires de drogue. J’avais beaucoup de problème avec ça à l’époque. Heureusement, même si ça peut paraître étrange de dire ça, j’ai eu de la chance d’être arrêté en dehors de la Nouvelle Orléans car les prisons y étaient devenues démentes. J’ai des amis qui ont été incarcérés là bas à l’époque et d’après ce qu’ils m’ont raconté, les conditions étaient vraiment déplorables. Ils ont du évacuer beaucoup de prisonniers vers d’autres prisons, car il n’y avait plus assez de places, et seul les auteurs de délits mineurs sortaient. Ne restait que les plus gros criminels et le niveau de sécurité a donc été considérablement élevé dans ces prisons. Je peux vraiment m’estimer heureux d’avoir commit mon délit en dehors de la ville. Ca aurait pu être bien pire pour moi. J’essaie de voir le bon côté des choses (rires).

Comment l’idée d’Arson Anthem a-t-elle germée ?

Dès que je suis sorti de prison, Phil Anselmo a eu la gentillesse de m’héberger dans une maison sur sa propriété qu’il réserve à ses invités. Je vis encore là bas d’ailleurs. Cela fait 2 ans. C’est vraiment cool de sa part. Je suis encore là grâce à lui. Nous sommes bien sur de très bons amis. J’ai absolument tout perdu dans l’ouragan Katrina (ndlr : la maison de Mike et tous ses biens ont été brûlés dans les émeutes qui ont suivies l’ouragan) et j’ai voulu me rebâtir ma collection de disque. J’ai donc commencé à graver des cds dans celle de Phil et une fois que nous en sommes arrivés aux groupes de punk et hardcore du début des années 80, nous nous sommes remémorés cette époque. C’est ainsi que nous avons décidé d’écrire des titres dans la veine de ces groupes qui nous manquent tant.

Cet EP d’Arson Anthem est vraiment extrême. C’est amusant car vous êtes tous autour de la quarantaine, hors ce disque sonne comme si il avait été fait par des gamins de 18 ans…

Absolument ! Mais c’est naturel. Regarde les Rolling Stones, ils peuvent toujours faire ce qu’ils font à leur âge (rires). Tant que tu as l’esprit et la passion au fond de toi, peu importe ton âge, tu peux toujours jouer ce qu’il te plait. Nous avons crées Arson Anthem pour nous rappeler notre adolescence, mais cette partie de ma vie n’est jamais morte en moi. J’ai toujours aimé ce type de musique et je sais que je l’aimerai toujours. Je ne jouerai jamais de la musique sans y croire. Nous avons fait cet album uniquement pour nous. Nous aimons tout un tas de genres extrêmes, mais nous sommes vraiment particulièrement fiers de cet EP d’Arson Anthem car il vient du cœur.

Avec un tel nom (ndlr : « Arson Anthem » signifiant « hymne à l’incendie »), quelle a été ton approche au niveau des paroles ?

J’évolue dans EYEHATEGOD, Outlaw Order et Arson Anthem. J’ai donc 3 groupes mais je n’ai pas d’approche particulière pour chacun d’eux. J’écris beaucoup de parole dans des registres variés et je me suis contenté d’en piocher certaines pour Arson Anthem. Je n’ai pas vraiment écrit du neuf pour ce projet.

Compte tenu de tes ennuis avec la police, ne penses tu pas qu’il soit dangereux de jouer dans des groupes s’appelant Arson Anthem (ndlr : avec un titre s’intitulant « Cops Shoot Coke ») et Outlaw Order (ndlr : dont le seul disque se nomme Legalize Crime) ?

Oui on peut dire ça. Mais ils ne peuvent pas y faire grand-chose. C’est ma liberté d’expression et j’aime l’exercer autant que possible. Aux Etats-Unis, nous avons dans notre constitution ce fameux premier amendement qui prône clairement cela ! En jouant dans mes groupes et en chantant mes chansons, je fais un gros bras d’honneur à ces gens là. Un gros « fuck you ! » et ils ne pourront jamais m’arrêter pour ça. C’est libérateur de pouvoir t’exprimer tel que tu en as envie. Je sais que ça attire l’attention sur moi mais très franchement je doute qu’il puisse m’arriver de sérieux ennuis à cause de mes paroles.

Tout le monde pense que Phil Anselmo a fait son retour grâce à Down mais il semble en réalité que l’élément déclencheur ait été ce concert de EYEHATEGOD, donné à New York en 2005, où vous avez invité Phil sur scène…

Tu as fait tes recherches à ce que je vois (rires). Mais c’est exact. Ce concert d’EYEHATEGOD au CBGB’s de New York, a été la première apparition publique de Phil depuis l’assassinat de Dimebag Darrell.

Est-ce que vous vouliez faciliter son retour en l’invitant à ce concert ?

Pas vraiment car nous avons essayé d’être le plus discret possible. Notre second guitariste, Brian Patton, était en tournée avec Soilent Green et ce concert au CBGB’s était déjà booké. Nous savions que ce club mythique allait bientôt fermer ses portes et nous étions donc très motivés. Nous ne voulions surtout pas annuler. Rien n’a été planifié, mais comme il nous manquait un guitariste, nous avons proposé à Phil et ce dernier a accepté.

Le son de l’EP d’Arson Anthem est vraiment brut de décoffrage. On dirait qu’il a été fait à l’arrache dans un garage. L’avez-vous enregistré live ?

Ce n’est pas tout à fait un enregistrement live mais il y a un peu de ça dans l’idée. Tous les instruments ont été enregistrés en même temps et le chant a été fait à part. L’EP a été bouclé en seulement 3 jours ! Nous avons ensuite passé un petit peu de temps sur le mixage mais nous nous sommes assurés de conserver une attitude « do it yourself » comme aux premiers jours de la scène punk. Nous avons tous fait parti de groupes qui surproduisent leurs albums et qui passent beaucoup de temps dans la phase de mixage. Cette fois ci, nous voulions simplement enregistrer et assembler la musique et la laisser telle qu’elle. Cela colle parfaitement à l’esprit du groupe. Lorsque je lis les réactions par rapport à Arson Anthem, on dirait qu’il n’y a pas de juste milieu. Soit les gens détestent complètement, soit ils adorent à 100%. Beaucoup n’aiment pas le mixage. C’est juste une histoire de gout. Les réactions sont extrêmes et j’en suis très heureux. Je veux de l’attention sur ce projet. Je préfère que les gens détestent Arson Anthem plutôt qu’ils l’ignorent. Ca a toujours été ainsi avec mes groupes de toute façon. Lorsque nous avons débuté avec EYEHATEGOD, les gens ne savaient pas quoi penser de nous. Alors qu’il y a aujourd’hui un million de groupes qui ont le même son que nous. C’est une évolution plutôt cool.

Comment Hank III (ndlr : que l’on connaît en tant que bassiste, chanteur et guitariste) s’est il retrouvé à la batterie ?

En réalité la batterie est le premier instrument qu’il a appris à jouer. Il était déjà batteur dans Buzzkill, une sorte de mélange punk/metal, qui était son tout premier groupe à Nashville. Il voulait se mettre derrière le kit pour Arson Anthem et nous étions impatients d’entendre ça avec Phil car nous n’avions aucune idée de son jeu. Il nous a dit qu’il était capable de le faire et nous lui avons fait confiance car lui aussi aime beaucoup le punk/hardcore. Dès qu’il a commencé à jouer, nous savions que ça allait coller.

Peux-tu présenter votre bassiste Colin Yeo ?

Je pense qu’on l’a rencontré car il est sorti avec une proche de Phil. Avec sa cousine je crois. C’est un ami de la famille. Il était régulièrement en contact avec nous pendant cette période, nous savions qu’il était bassiste et qu’il aimait ce type de musique et nous avons donc pensé qu’il serait judicieux de l’impliquer. Il joue également dans une nouvelle formation qui s’appelle PonyKiller.

Vous avez déjà donné quelques concerts, mais comment gérez vous cet aspect en disposant uniquement d’un EP de 11 minutes ?

Nous n’étions pas en tête d’affiche. Nous tournions avec Rigor Mortis, une formation texane de death metal old school. Ca convenait bien à notre esprit nostalgique. Il y avait aussi Evil Army, que je veux vraiment mentionner car c’est un super groupe en provenance de Memphis. Ils sonnent un peu comme du D.R.I ou du Slayer. J’aimerai jouer davantage de concerts avec Arson Anthem, mais l’emploi du temps de Phil est beaucoup trop serré. On s’est bien marré lors de nos quelques shows et le public a semblé apprécier. Pour revenir sur ta question relative à la durée, nous avons répété une semaine avant de partir en tournée dans la maison de Hawk III. Nous avons alors composé 3 nouveaux titres. Notre set était évidemment toujours très court, mais nous avons joué l’intégralité de l’EP ainsi que ces nouveaux morceaux.

Y a-t-il un LP en préparation ?

Nous écrivons de nouvelles chansons en ce moment même. Dès que Phil, Hawk et moi-même pourront accorder nos emplois du temps, je suppose que l’on fera la même chose. Hawk viendra nous rejoindre ici et nous enregistrerons un vrai album.

Vous avez déjà trouvé un surnom à vos concerts en les nommant les « AA Meetings ». Je suppose qu’il s’agit d’un jeu de mot avec les alcooliques anonymes…

Oui bien sur (rires). C’est un jeu de mot amusant. Ca nous ait tout de suite venu à l’esprit avec les initiales AA. D’ailleurs, je suis plutôt sobre en ce moment. Ma consommation d’alcool est généralement en dents de scie, mais là ça fait 3 mois que je suis clean. C’est une décision personnelle. Tout le monde boit un petit peu dans Arson Anthem, mais je préfère rester loin de ça pour avoir une hygiène de vie plus saine. C’est toujours bon de faire une pause. J’ai vraiment eu de sales problèmes de drogues et d’alcool dans le passé. Lorsque je commence à en consumer tous les jours, cela devient vite un fardeau à porter.

Tu travailles pour Housecore Records (ndlr : label de Phil Anselmo). Peux-tu me dire quelles seront les prochaines sorties ?

Le prochain devrait être Christ Inversion. Je n’en suis pas totalement sur mais il va bientôt partir en pressage. C’est un projet black metal de Phil sur lequel on retrouve également Wayne Fabra de Necrophagia. Il y aura ensuite l’album de Body & Blood qui est un autre groupe de Phil dans un genre plus atmosphérique. Ca ressemble un petit peu à du gothique, mais pas tout à fait.

Quoi de neuf du côté de EYEHATEGOD ? On attend un nouvel album depuis presque 8 ans…

Oui je sais bien. Tous les membres du groupe ont eu des problèmes ces dernières années. Des choses personnelles mais aussi Katrina qui a foutu EYEHATEGOD en l’air pendant un bon moment. Il y a aussi les problèmes d’emploi du temps de chacun. Mais 2008 célèbre les 20 ans d’existence de EYEHATEGOD et il est certain que nous ferons quelques concerts à cette occasion. J’ai parlé à Gary Mader, notre bassiste, l’autre jour et il m’a dit avoir écrit 3 nouveaux titres. Jimmy Bower est même venu répéter avec nous il n’y a pas longtemps et je peux te dire que ça m’a surpris (rires). Je pense que l’on pourrait très bien sortir un nouvel album, mais je n’ai pas envie de faire ce genre de déclaration au cas où cela mettrai trop de temps à se produire.

Peux-tu me parler d’Outlaw Order ?

Nous nous sommes formés en 2004 et nous avons sorti le vinyle Legalize Crime, que tu évoquais tout à l’heure. Nous l’avons ensuite réédité en cd en 2006. Nous allons entrer en studio à la fin du mois de mars et nous allons donc probablement sortir un album très prochainement.

Tu as également écrit un livre intitulé Cancer As A Social Activity. Quel en est le thème ?

Je pense que tu qualifierais ça de poésie sombre et négative. Mais je déteste employer le mot « poésie » même si c’est certainement celui qui convient le mieux pour qualifier mes récits. C’est un peu dans le genre de ce que Charles Bukowski a pu écrire. Loin de moi l’idée de me comparer à un tel auteur, car il est vraiment bon, mais l’ambiance est similaire. J’ai écrit ce bouquin il y a déjà pas mal d’années mais nous allons bientôt le rééditer et j’espère qu’il sortira en Europe. Au pire des cas, les personnes intéressées peuvent se le procurer sur le site d’Housecore Records.

Que signifie au juste le Southern Nihilism Front que tu sembles associer à toutes tes actions ?

En fait, je suis le Southern Nihilism Front. Ca rassemble tout ce que j’ai pu faire. Il s’agit de mon œuvre globale. La musique, le livre et d’autres choses comme des pochettes que j’ai réalisées pour d’autres groupes. C’est ma signature, ma marque de fabrique. C’est un peu comme si il s’agissait de mon entreprise même si cela ressemble plus à un groupe terroriste (rires).