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THE BLACK CROWES

Entretien avec Chris Robinson (chant)

08/04/08 - Studio 104 - Plaine St Denis

Comme beaucoup d’autres, ils se sont séparés pour mieux se reformer ! Finalement la pause que les 2 frères Robinson s’étaient autorisés aura durée à peine 4 ans et franchement nous serons les derniers à nous en plaindre ! Après avoir sillonné toutes les routes américaines en long et en large pendant 3 ans, les corbeaux daignent enfin se rendre en Europe pour une visite éclair. Au programme : un concert à Londres, un autre à Amsterdam et, très maigre compensation pour la France, l’enregistrement de l’émission Le Live De La Semaine dans le studio 104 de Canal +. N’empêche que l’occasion était trop belle pour ne pas chopper cette figure emblématique du rock qu’est Chris Robinson afin de le soumettre à quelques questions. Chose que ce dernier fait avec un certain plaisir et beaucoup d’amusement. Un entretien très relax, au cours duquel le chanteur reste agrippé à sa jeune et belle compagne. Nous voilà rassurés, nous qui craignions qu’il ne puisse pas se remettre de son récent divorce avec l’actrice Kate Hudson !

Quel regard portes-tu avec le recul sur ton expérience solo New Earth Mud ?

C’était une expérience incroyable ! Beaucoup de gens doivent penser que ça été dur pour moi de quitter The Black Crowes après tant d’années mais à vrai dire pas du tout (rires) ! C’était génial ! C’est comme tout tu sais. Après 10 ans passés sur les routes avec The Black Crowes en ayant toutes ces expériences intenses et dramatiques, j’avais besoin d’aller voir ailleurs. The Black Crowes est une collaboration alors que sur New Earth Mud je faisais une déclaration musicale qui était totalement mienne. Je bossais bien sur avec Paul Stacey mais c’était bon d’être sur mon propre projet. J’ai pu vraiment me trouver en tant que compositeur et chanteur. The Black Crowes est une somme de beaucoup d’éléments qui forme une dynamique. C’est donc très différent.

Comment est venue l’idée de reformer The Black Crowes ?

Je n’ai jamais pensé que l’on ne rejouerait plus ensemble un jour. C’est une expérience bien trop unique, pas seulement pour nous mais aussi pour le public. Quant à savoir si la pause allait durer 4, 5 ou 10 ans, j’avoue que je n’en savais rien. Tout s’est déclenché lorsque quelqu’un nous a demandé avec mon frère de jouer à New York. C’était un concert au WaMu Theater, qui se trouve dans le Madison Square Garden. Les Jammy Awards, un truc avec plein de groupes. Nous avons interprété « Sometimes Salvation » et cela faisait un bail que nous n’avions pas joué et même parlé ensemble. C’était bon de se retrouver et le timing semblait être parfait pour nous reformer et voir ce qui allait se passer. Il nous aura fallu quand même 3 ans pour arriver à la sortie de Warpaint mais la notion du temps change lorsque tu vieillis (rires). Quand tu es jeune, tout est nouveau et tu veux tout faire tout de suite. Plus ça va et plus tu apprends la patience. Ces 3 années sont passé en un rien de temps pour moi, alors que je suppose que de l’extérieur les choses sont différentes. Mais j’ai toujours su au fond de moi même que l’on rejouerait ensemble et que nous avions encore de la musique à créer.

Vous sortez Warpaint sur votre propre label Silver Arrow Records. En aviez vous marre des majors ?

Pas plus que ça. Enfin, nous en avons toujours eu marre des majors (rires). Mais dans le cas précis, c’est juste parce que l’on pense que le futur de la musique passe par le fait d’en avoir la propriété. The Black Crowes représente notre vie. C’était vraiment dur pour nous de toujours devoir faire face à des gens qui essaient de te dicter ta conduite afin de se faire plus d’argent. Nous avons toujours été conscients du fait que si une maison de disque te dit comment être, comment t’habiller, comment sonner et quoi faire, si au final cela échoue, c’est ta responsabilité ! Ils n’en ont rien à foutre (rires) ! Tous les labels essaient de dicter une conduite à leurs groupes. On s’est toujours rebellé contre ça et c’est sans doute pourquoi nous avons eu une carrière problématique lorsque nous étions gamins (rires). Mais c’était notre groupe et il était hors de question de ne pas le gérer à notre manière. Nous avons toujours été influencés par les artistes qui agissent de cette façon. Que ce soit John Coltrane, Neil Young, Willie Nelson ou The Grateful Dead. Si jamais j’avais écouté tous ces gens à une époque, je ne serai probablement pas assis devant toi aujourd’hui. L’industrie du disque arrive à sa fin et c’est une opportunité formidable pour des mecs comme nous car nous nous suffisons à nous même ! Nous pourrions très bien prendre notre campement de gitans et sillonner les routes en faisant attention à nous. Nous pouvons être responsables de nous même et j’adore ça. Nous n’avons pas besoin de compter sur qui que ce soit. C’est pourquoi nous avons crée notre propre label ! Mais il y a aussi un aspect économique. Quand tu es sur un label, tu leur doit toujours de l’argent ! Nous avons dépensé des millions de dollars à faire des albums et des clips. Tout le monde faisait pareil. Aujourd’hui tu n’es plus obligé de faire toutes ces choses systématiques qui ne te bénéficient pas forcemment. Nous pouvons également communiquer avec notre public comme nous le voulons. Dans le cas présent avec un album de rock n’roll immature à la The Black Crowes (rires) !

Vous avez joué des nouveaux titres sur la tournée de reformation et également pendant l’escapade acoustique Brothers Of A Feather. Mais aucun de ces titres n’ont été retenus pour Warpaint. Une raison particulière ?

Je voulais vraiment faire avec Rich une déclaration musicale forte et je pense que cela passait nécessairement par des titres vraiment neufs. Je ne voulais pas revisiter quoique ce soit. C’est aussi pour cela que nous avons mis du temps. Puis au printemps 2007, Rich m’a envoyé 15 chansons et je lui ai dit : « Ok ! C’est notre album ! ». Je voulais revenir à nos racines et exprimer mon sentiment vis-à-vis des Etats-Unis. La raison primaire pour jouer du rock n’roll roots est que cela représente parfaitement l’Amérique ! Mais personne n’en joue vraiment encore aujourd’hui. Nous avons voulu jouer ce genre de choses en apposant dessus des thèmes modernes. Mais il fallait repartir à 0 et faire quelque chose de frais pour parvenir à cela.

Y a-t-il un message politique dans Warpaint ?

Je dirai surtout qu’il y a un message de liberté. L’album parle de se libérer des contraintes imposées par la société. De trouver une connexion avec ceux qui éteignent leur poste de télévision. Ceux qui ne sont pas en train de chercher à tout prix quel est le dernier truc à la mode (rires). Cet album parle de choses plus profondes. D’émotions que tu peux ressentir lorsque tu écoutes de la musique. S’il y a un message politique là dedans, alors il est très simple : cela fait maintenant longtemps que les Etats-Unis sont dirigés par des gens qui veulent imposer leur vision au reste du monde et ils gouvernent les gens au nom de la liberté (rires). C’est assez paradoxal non ? Nous avons notre propre vision de la liberté : c’est une rue en double sens et les politiques ne semblent pas le comprendre. Il y a le chemin qui nous ait donné et celui que nous choisissons. Notre vision de la politique est assez anarchique en quelque sorte car nous nous occupons uniquement de nous même (rires). Seul notre style de vie, notre musique et ce que nous racontons nous importe (rires). Cet album s’adresse aux gens qui pensent comme nous et qui peuvent comprendre notre charabia (rires).

Avec des titres tels que « God’s Got It » ou « Walk Believer Walk », y a-t-il une allusion à la religion ?

Non. C’est juste une image. Personnellement je pense que les religions organisées sont probablement la cause principale de tous les malheurs et souffrances qu’a connues l’humanité. Les dogmes amènent difficilement à de la liberté. Toutefois je me considère comme quelqu’un de spirituel. Dans « God’s Got It » je chante en fait que la somme de chacun de nous représente Dieu. Lorsque tu prends un morceau gospel ou blues, cela contient des éléments qui renvoient directement à l’Afrique où Dieu avait un sens très différent de celui qu’il a en Europe. Mais lorsque tu combines les 2 éléments et que tu reprends le contrôle, tu peux te dire en parlant de quelque chose : « God’s Got It ! » Pourquoi ? Tout simplement parce nous aussi nous l’avons ! C’est en nous, dans le pouvoir de notre esprit, dans notre âme et dans notre cœur !

Il y a cette chanson qui s’intitule « Oh Josephine ! ». De qui s’agit-il ?

Josephine n’est personne en particulier. Il peut s’agir d’un fantôme ou de n’importe quoi d’autre (rires). Cette chanson évoque un sentiment. Cela parle de tout ce que tu dois surmonter pour trouver l’amour parfois. Mais ca reste un titre rock n’roll. Cela peut t’évoquer un matin qui se succède à une longue nuit éveillée (rires) et le fait de voir le levé du soleil de façon différente. Cela parle aussi de croire que tu ne trouveras jamais l’amour et que tu laisses cette recherche derrière toi avec toutes tes craintes. Le regard que les autres portent sur toi lorsque tu réalises que tu es né pour être libre. Joséphine représente un amour symbolique en quelque sorte.

Ton chant est vraiment superbe sur ce disque et je le trouve encore plus profond sur le titre « There’s Gold In Them Hills ». Peux-tu me parler de l’émotion qui anime ce titre ?

Il s’agit dans un sens d’un titre à propos de la ruée vers l’or. Cela parle d’un type qui voit une annonce et qui décide de partir en Californie pour devenir riche (rires). Cela peut aussi être une allusion à quelqu’un dans notre groupe (sourire qui en dit long). Il se passe parfois des choses bizarres dans les mines tu sais (rires). Ce titre peut aussi bien faire penser au San Francisco du 19 ème siècle qu’à Los Angeles dans les années 90. Cela parle de voyage et de survie en quelque sorte.

Tu n’arrives plus à te passer de Paul Stacey à la production on dirait…

N’écris pas ça, il ne parle pas français, mais si jamais il lit un jour ce que je vais dire, son melon va exploser (rires) ! Pour être franc, ce qui arrive aujourd’hui à The Black Crowes ne se serait jamais produit sans Paul Stacey. Il a un dont unique en tant que producteur et musicien. Il nous a dépannés sur 2 tournées à la guitare avant de faire l’album. Du coup il a une perspective différente car il a été à l’intérieur et à l’extérieur de notre formation. J’ai moi-même déjà produit certains disques et je suis bien placé pour savoir que cet un état d’esprit très différent de celui de musicien. Tu dois réussir à gérer des personnalités différentes et tous les ego qui vont avec (rires). Tu dois créer une atmosphère. Pour moi Paul est aujourd’hui le meilleur qui soit au niveau de l’enregistrement et du mixage pour le rock. Il est organique, profond et intelligent. Ca le rend vraiment intéressant en tant que producteur et musicien. Il a réussi à réunir toutes les conditions qu’il nous fallait pour enregistrer cet album facilement et rapidement. Il ne nous aura fallu au final que 3 semaines pour en venir à bout !

Que s’est il passé au juste avec Marc Ford et Eddie Harsch, qui ont quittés le groupe peu après sa reformation ?

Ils ont eu presque 3 ans pour y réfléchir. Nous sommes tous responsables de notre perception des choses. Chacun évolue à sa manière. Ils ont eu l’opportunité d’être ou ne pas être avec nous. Que ce soit une histoire de drogue ou de politique, ça n’a aucune importance. Apparemment ils n’étaient pas censés faire partie de notre famille. Je leur souhaite le meilleur car ils en ont fait parti pendant si longtemps, mais ils ont pris des décisions qui allaient à l’encontre de notre énergie et de notre flow. Ils sont tout simplement libres de faire ce qu’ils veulent (rires).

Peux-tu du coup présenter leurs 2 remplaçants ?

C’est le côté amusant des choses car rien n’arrive par hasard. Je crois vraiment en cette théorie. Je suis heureux que tout ce soit passé ainsi car cela nous a permis d’avoir Luther Dickinson avec nous. Nous sommes amis avec le North Mississippi All Star depuis si longtemps. Je chante sur leur album et j’adore ce qu’ils font. C’est parfait d’avoir leur guitariste à nos côtés aujourd’hui. Tout se passe sans le moindre accroc. C’est la même chose pour Adam MacDougall. Harsch a été notre claviériste pendant presque 16 ans. J’ai rencontré Adam à Los Angeles alors que je faisais un bœuf avec des amis. Il est arrivé, a joué et là je me suis dit : « wow ! ». Je ne sais pas ensuite quel route il a pris mais elle l’a mené vers nous. Luther va évidemment avoir beaucoup d’attention sur lui car il est notre guitariste soliste. Le rôle d’Adam va être différent mais ils sont tous 2 aussi importants dans la dynamique que nous formons aujourd’hui. Sans eux, le disque n’aurait pas été aussi simple, amusant et productif. Ils ont apporté leur pierre à l’édifice et tout a décollé.

Vous avez joué Warpaint en intégralité avant sa sortie lors de 7 concerts spéciaux aux Etats-Unis. Quelle a été la réaction du public ?

Ce n’était pas évident car notre public en Amérique est du genre passionné (rires). Mais nous avons fait ça car nous sentons que ces titres sont encore plus forts lorsqu’ils sont joués en une seule pièce. On peut dire que cela c’est bien passé car c’est notre tournée qui a affichée le plus rapidement complet ! Il faut aussi dire que nous jouions pour l’occasion dans de plus petites salles. Mais lors de notre dernier concert « normal » en date, nous avions vraiment envie de jouer plus de nouveaux morceaux car ce sont eux qui nous ont regroupés, qui nous ont redonnées la passion et la créativité. Ces titres nous ont rappelé le bonheur de faire parti de The Black Crowes et nous font nous sentir à nouveau accomplis.

Les 2 derniers disques avant la séparation, By Your Side et Lions, ont reçu des critiques partagées. Quel regard portes-tu sur ces 2 opus aujourd’hui ?

Je pense que les meilleurs titres de ces albums sont toujours très bons. Il y a des morceaux qui sont toujours populaires dans notre répertoire. Sans Lions, nous n’aurions pas « Soul Singing » ! Mais By Your Side a été un disque vraiment difficile à faire pour moi. Il représente l’époque où nous avons laissés des gens nous parler à l’oreille. Je suis quand même fier de certains trucs comme « Welcome To The Good Times » que nous jouons toujours beaucoup. Il y a aussi « Horsehead » et « Diamond Ring ». Quelques moments comme ça qui ont encore une résonnance particulière à mes yeux. Mais globalement ça n’a pas été terrible de bosser avec Kevin Shirley. Ce n’est pas de sa faute d’ailleurs. Ca n’a juste pas collé entre nous. C’est plus le genre de producteur calibré comme il y en a des tonnes alors que nous sommes des phénomènes de foire (rires) ! Ca n’a pas suffisamment fonctionné entre nous. De toute manière, lorsque tu prétends à une longue carrière, tu auras des albums meilleurs que d’autres. The Rolling Stones ont sorti Emotional Rescue (1980) et personne ne leur en a voulu (rires). On peut comparer notre situation à la leur !

Vous avez tourné en compagnie de Jimmy Page il y a presque 10 ans et vous avez sorti Live At The Greek sur lequel de nombreux titres de The Black Crowes ne figurent pas pour des problèmes de droits. Est-ce possible de voir un jour la version complète du concert ?

Ca fait déjà presque 10 ans ? Oh mon Dieu ce que le temps passe vite ! J’adorerai pouvoir proposer la version entière de ce live. Heureusement les gens peuvent avoir le reste sur Internet. Je n’ai rien contre les bootlegs. Ca me va très bien. Ca m’est égal si je ne fait pas d’argent sur ce disque vu que certaines personnes nous ont empêchés de pouvoir utiliser nos propres morceaux. Mais au final, je pense qu’une version complète sortira tôt ou tard même si pour le moment tu devras te contenter de You Tube (rires) !

En parlant de Jimmy Page, as-tu assisté au concert de reformation de Led Zeppelin en décembre dernier à Londres ?

Je n’y étais pas mais notre batteur Steve Gorman y était. D’après ce que j’ai entendu, tout le monde a passé un moment inoubliable. Je suis content pour eux.

Vous jouez ce soir dans les studios de Canal +, mais cela ne compte pas comme un vrai concert. Du coup, quand pouvons-nous espérer voir The Black Crowes en France ?

Lorsque nous pourrons nous permettre de venir jouer à Paris (rires). C’est dur économiquement pour nous d’emmener toute notre production et toute notre famille en Europe (ndlr : c’est sur qu’il est plus facile de partir du 27 juin au 20 décembre 2008, soit pour une durée de 6 mois, sur une tournée aux Etats-Unis qui affichera vite complet !). Nous vivons actuellement dans un monde qui ne favorise pas une tournée européenne de The Black Crowes. Avec le rapport de force entre l’euro et le dollar, les français peuvent prendre l’avion et venir nous voir jouer en Amérique, ils économiseront même de l’argent (rires). Plus sérieusement nous voulons évidemment revenir ici. Notre public en France a toujours été cool. Que ce soit à l’Elysée Montmartre, à l’Olympia ou au Zénith. Tous ces concerts ont été géniaux. Celui du Zénith marque d’ailleurs notre toute première collaboration scénique avec Jimmy Page.