Le groupe atypique Clutch est actuellement en Europe pour promouvoir son excellent 8ème album "From Beale Street To Oblivion". Un album qui poursuit l'évolution bluesy du son du groupe originaire du Maryland. C'est le sympathique frontman du groupe Neil Fallon qui a gentillement répondu aux questions relatives à ce nouvel album mais aussi à des choses plus générales sur l'univers de ce groupe d'exception qu'est Clutch. Salut Neil. Tout d’abord quel est le sens du titre « From Beale Street To Oblivion » ? C’est une phrase tirée d’un morceau de l’album. Il s’agit du titre The Devil & Me. Nous avons utilisé cette phrase car nous ne savions pas comment nommer ce nouvel album. Cette chanson est une discussion entre dieu et le diable, chacun assis sur un porche de chaque côté d’une rue et en train de se gueuler dessus. Au lieu d’être banni en enfer ou au purgatoire, le diable doit être banni au Tennessee. Je ne pense pas que le Tennessee soit l’enfer, mais c’est l’histoire qu’il y a derrière cette chanson (rires). Vous avez changé de producteur sur ce nouvel album. Comment était ce avec Joe Baresi ? C’était super. C’est un mec doux et décontracté. C’était comme si nous le connaissions depuis très longtemps car niveau personnalité nous étions compatibles. Il a fait de gros albums avec Tool et Queens Of The Stone Age et le fait qu’il ait pu nous insérer dans son planning est quelque chose de génial. Je suis très heureux de la façon dont il a travaillé avec nous. Quelles sont les différences majeures entre son travail et celui de Machine ? La différence principale est qu’avec Machine nous faisions tout en numérique. Il retravaille beaucoup les pistes et veut quelque chose de très spécifique pour chaque partie. Il est capable d’écouter un rythme de batterie en boucle jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il veut. Joe se préoccupe davantage de saisir une performance live. Je ne dis pas que ce n’est pas le cas avec Machine mais ce dernier travaille en numérique alors que Joe travaille en analogique. C’est la meilleure manière de décrire leurs différences. Comment était ce de revenir à une approche d’enregistrement analogique ? C’était bien. Lorsque nous avons commencé à travailler en numérique nous étions très enthousiastes car nous avons réalisés à quel point cela était plus facile. Je pense que le numérique est un bon outil pour écrire. Mais pour enregistrer rien ne vaut une bande et des amplis. Nous étions bien préparé avant d’entrer en studio cette fois ci. Au lieu d’écrire en studio, nous connaissions déjà très bien tous les nouveaux morceaux que nous avions beaucoup répétés. Ca a également changé la donne. Es tu d’accord avec moi si je dis que plus Clutch évolue, plus Clutch devient blues ? Ouais. Mais nous ne faisons rien par but, cela se passe comme ça tout simplement. Nous suivons notre instinct mais nous n’essayons pas d’être un groupe de blues. Mais il y a assurément chez nous des éléments blues que l’on retrouve dans le classic rock avec des groupes comme Black Sabbath, Led Zeppelin ou Deep Purple. Peut être que nous imitons cela car nous écoutons ce genre de musique en permanence. Tu montres une nouvelle fois sur cet album tes talents de parolier. En général où puises tu ton inspiration ? Souvent en écoutant les conversations des autres gens. En étant appliqué à écrire sur un carnet. En étant capable d’écrire des paroles, je suis également capable de mentir. Comme n’importe quel compteur d’histoire, je peux dire absolument ce que je veux. Bien souvent, plus c’est absurde mieux c’est. La plupart du temps mes paroles racontent une histoire qui n’a pas forcement beaucoup de sens, mais je préfère cette approche à celle d’écrire des trucs à propos de ton ex petite amie ou à propos de la politique. Parfois je préfère dissimuler mes paroles et parfois elles me donnent envie de me taper la tête contre les murs (rires). C’est donc un peu difficile pour moi de dire exactement d’où vient mon inspiration. Il y a encore sur ce nouvel album quelques chansons très drôles. Par exemple qu’est ce qui ne va pas avec les végétaliens ? (ndlr : le titre When Vegans Attack signifie « lorsque les végétaliens passent à l’attaque ») (Rires) Je n’ai aucun problème avec les végétaliens. Mais je connais où j'habite quelques personnes qui fréquentent mes amis et qui ne peuvent pas m’encadrer juste parce que je ne correspond pas à la façon qu’ils ont de vivre leur vie. Ils prêchent souvent pour quelque chose et culpabilisent d’autres choses. La chanson ne parle pas de moi en train d’insulter ce type de personnes. Ca parle juste d’une armée de végétaliens, à laquelle j’essaie d’échapper, qui veulent m’attaquer parce que je ne vis pas ma vie avec la même discipline qu’eux. A vrai dire je n’ai aucune discipline. On retrouve parfois dans Clutch certains personnages. Par exemple sur cet album il y a Mr Shiny Cadillackness et sur le précédent The Incomparable Mr Flannery. Existent-ils ? En quelque sorte. Flannery est un pote qui vient du même coin que nous. C’est un bassiste. Lorsque nous avons composé ce titre, nous n’avions pas encore de paroles et nous donnions donc comme titre de travail aux morceaux de cet album (ndlr : « Robot Hive/Exodus ») le nom d’un ami d’université. Il doit y avoir 5 ou 6 chansons de cet album qui ont été intitulé au départ avec le nom d’un pote à nous, choisi au hasard. Quand Flannery a su ça il a insisté pour que nous gardions son nom dans le titre final de la chanson. Nous sommes donc partis de là. Pour Mr Shiny Cadillackness, l’histoire est différente. Le titre de travail de cette chanson était Shiny Cadillackness. J’avais beaucoup de mal à trouver des paroles pour cette chanson et j’ai donc fini par écrire quelque chose à partir du titre de travail. Ca s’est donc transformé en ce truc motorisé et démoniaque, du moins dans ma propre tête (rires). Je ne suis pas sur que cela se ressente dans les paroles. Mais bon c’est l’histoire qu’il y a derrière ces 2 chansons. Pourquoi avoir réenregistré le titre One Eye Dollar, présent initialement sur l’album « Jam Room » ? En fait voilà ce qui s’est passé. Avant d’enregistrer l’album nous jouions déjà parfois Electric Worry en concert. A un moment donné nous avons commencé à enchaîner ce titre avec One Eye Dollar et ça fonctionnait vraiment bien. Lorsque nous sommes entré en studio nous avons voulu recréer cet enchaînement et nous avons essayé d’écrire un nouveau titre dans la veine de One Eye Dollar mais nous n’avons jamais réussi à trouver quelque chose qui fonctionne aussi bien. Nous avons donc décidé d’enregistrer à nouveau One Eye Dollar et de la mettre sur l’album si l’enchaînement marchait aussi bien qu’en live. Par ailleurs j’ai toujours voulu changer certaines paroles de ce titre et c’était pour moi la chance d’avoir une seconde chance. Je l’ai donc fait. Clutch est un groupe difficilement catégorisable et c’est une bonne chose. Mais compte tenu de cela, est ce parfois difficile de se forger un public solide ? Ca dépend. C’est bon pour nous dans le sens où je suis heureux de faire parti d’un groupe difficile à catégoriser et tu peux toujours créer ton public en tournant. C’est facile. Ce qui est plus difficile dans notre situation, c’est au niveau du business. Les gens qui font les plans marketing dans les maisons de disque ont besoin de pouvoir te foutre dans une petite case et bien souvent si tu ne corresponds à aucune de ces cases ils préfèrent tout simplement ne pas bosser ton album. Nous avons souvent été ignorés par ces personnes et cela nous a obligé à tourner incessamment au lieu de pouvoir apprécier les bénéfices d’une compagne de pub massive. Je suppose que cela devait être compliqué lorsque vous étiez chez Columbia… Oui et non. Nous rêvions d’être signés sur une major. Mais ils attendent de toi que tu vendes des millions et des millions d’albums. Nous ne sommes pas ce type de groupe. Mais en même temps lorsque nous étions chez eux, nous avons pu utiliser d’énormes budgets pour faire de grosses tournées ou filmer quelques clips et autres plans marketing. Nous savions très bien qu’on se ferait jeter un jour ou l’autre, donc nous utilisions le maximum d’argent avant de nous enfuir (rires). Prendre l’argent et courir. Ca nous a mis dans une situation où nous pouvions nous suffire à nous même pour sortir nos albums. Je dirai donc que ça n’a pas forcement été une mauvaise chose. Depuis que vous êtes signés chez DRT, le moins que l’on puisse dire et que vous êtes productifs. Vous avez fait 3 albums en 3 ans. Une raison particulière ? Lorsque nous étions sur une major, ils ne voulaient pas que nous poussions sortir un album moins de 2 ans avant la sortie du précédent. Avec DRT nous nous sommes mis d’accord pour pouvoir sortir des albums aussi souvent que nous le voulons. Je pense que la créativité est comme un muscle. Si tu l’utilises beaucoup, cela devient plus facile. Si tu l’utilises peu, tu deviens faible. Ce nouvel album est notre troisième et dernier avec DRT. Je ne sais pas avec qui nous ferons le prochain. Observes tu des changements dans le fonctionnement de Clutch depuis que Mick Schauer a intégré le groupe ? Non pas spécialement. Musicalement il a pu nous libérer. Depuis qu’il est là nous essayons plus de trucs étranges et nous faisons plus de solos. Je joue de la guitare sur quelques titres, mais nous avons toujours voulu avoir un guitariste rythmique, chose que nous n’avons jamais eu. Il nous sert donc de claviériste mais aussi de guitare rythmique en quelque sorte. Au niveau des relations internes dans le groupe, cela n’a rien changé, ce qui est une bonne chose. Nous étions ensemble depuis 12 ans avant qu’il nous rejoigne et c’est parfois dur pour un nouveau membre de s’intégrer dans un groupe qui a déjà quelques années derrière lui. Mais il est en synchronisation avec nous et si il venait à quitter le groupe, je crois qu’il me manquerait. Au niveau du son il remplit un vide qui existait chez nous entre la guitare et la basse. Tu me parlais du souhait d’avoir un guitariste rythmique dans le groupe. Je me souviens par exemple avoir vu un mec jouer quelques titres avec vous lors de votre concert l’année dernière à Donington… Ouais il ne doit pas être très loin. C’est notre technicien guitare en fait. Il s’appelle Brian. Il vient parfois jouer quelques titres avec nous sur scène pour le fun. Clutch est assurément un groupe live. Avez-vous des projets de DVD ? Nous voulons faire un DVD depuis des années. Cela ne s’est jamais produit car nous n’avons jamais trouvé les personnes adéquates. Il faudrait aussi que nous prenions de l’assurance devant une caméra car en général quand quelqu’un pointe une caméra sur nous, nous fermons notre gueule. C’est bien plus facile de filmer un concert pour nous. Mais pour ce qui serait des bonus backstage ou des interviews, il faudrait trouver les bonnes personnes. Nous n’avons aucun projet concret de ce côté-là mais c’est quelque chose que nous voulons faire. En parlant DVD, vous apparaissez sur le DVD du festival itinérant Sound Of The Underground. Vous étiez en décalage total sur cette affiche. Penses tu que vous avez pu atteindre de nouveaux fans sur cette tournée ? Oui je pense. C’est important de ne pas toujours jouer pour ton propre public. Nous avons fait des tournées avec Marylin Manson, Slayer et Iron Maiden et il ne s’agit pas nécessairement de notre public. Mais sur chacune de ces tournées certaines personnes nous ont appréciés et ont commencé à devenir fans de Clutch. Concernant le Sound Of The Underground, je dirai personnellement que la plupart des groupes sonnaient tous de façon identique. Il n’y avait qu’un ou deux groupes qui sortaient du lot. Mais c’était bon pour nous car du coup nous sonnions de façon complètement différente et les gens s’arrêtaient pour nous écouter. Même un gamin de 14 ans est lassé d’entendre du metalcore pendant 9 heures d’affiler. Qu’ils aiment ou qu’ils n’aiment pas, je pense qu’en entendant quelque chose de complètement différent, ils prêtaient au moins attention. Vous changez de setlist tous les soirs. Il y a certains groupes qui enregistrent tous leurs concerts et qui les revendent ensuite sous forme d’ « Official Bootlegs ». Seriez vous tenté de faire ça avec Clutch à l’avenir ? Je ne suis pas sur que ce soit une bonne chose bien que nous parlons de la probabilité d’enregistrer quelques concerts en Scandinavie sur cette tournée car nous jouons dans de grosses salles là bas. Peut être que nous les sortirons ensuite que ce soit en vente ou gratuitement. En parlant de bootlegs, je ne pense pas que ce soit quelque chose de mauvais. C’est une exposition supplémentaire pour le groupe. Mais lorsque tu ramènes 500 personnes à un concert, tu ne feras pas écouter un bootleg de ce même concert à 500 autres personnes. Au final tu t’adresses aux mêmes gens. Tout comme le DVD nous parlons beaucoup de ce genre de choses mais cela n'aboutit jamais (rires). Quels sont les projets de Clutch après cette tournée européenne ? Nous rentrons chez nous. Nous prenons 2 semaines de vacances et ensuite nous repartons en tournée aux Etats-Unis puis en Australie. Nous revenons ensuite aux Etats-Unis, nous prenons un mois de vacances et repartons pour une dernière tournée américaine en août. J’espère ensuite que nous prendrons du repos en septembre et en octobre car nous avons déjà fait une tournée aux Etats-Unis pour cet album et cela fait longtemps que nous ne sommes pas restés chez nous avec nos familles. Nous allons commencer à écrire considérablement vers la fin de l’été et le début de l’automne. Il n’y a encore rien de planifié mais je pense que nous rentrerons en studio en février ou mars 2008 afin de sortir un nouvel album pendant l’été 2008. Ce serait l’idéal. Et concernant ta carrière solo ? Hein ? Je n’ai pas de carrière solo (rires). J’ai fait un concert solo une fois en Ireland mais c’est tout. Oui c’est pour ça que je croyais que tu avais également une carrière solo… En fait c’est arrivé car un ami à moi m’a contacté pour jouer ce concert. Il m’a dit : si tu viens jouer quelques titres, nous te payons les billets d’avion. J’ai répondu : bien sur ! Ca m’a permis d’avoir un peu de vacances tous frais payés mais cela m’est arrivé qu’une seule fois. Ca me demanderai du travail car autant il est facile pour moi de jouer avec le groupe autant jouer sans eux est effrayant. A cette occasion j’ai joué The Regulator de Clutch et quelques reprises blues. C’est le genre de trucs que j’écoute quand j’ai du temps libre et que j’aime jouer tout seul. C’est donc simplement ce que j’ai fait. Merci à Neil Fallon ainsi qu'à Big Al, Oscar et Jack Flanagan.
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