ACCUEIL
NEWS
INTERVIEWS
LIVE REPORT
CD REVIEWS
CONCERTS
FESTIVALS
BOUTIQUE
LIENS
E-MAIL

 

SOULFLY

Entretien avec Max Cavalera (Chant/Guitare)

22/08/2005 - Holliday Inn République - Paris

 

Déjà de retour dans les bacs, Soulfly continue sur la lancée de "Prophecy" tout en poussant plus loin les côtés thrash, hardcore et world music avec son nouvel album "Dark Ages" à paraitre à la rentrée. De venue promotionelle à Paris le bavard Max Cavalera a bien voulu, avec une extreme gentilesse et un naturel rare, parler de ce nouvel album, de ses influences, mais aussi de Nailbomb, Sepultura et tout un tas d'autres choses.

Salut Max, comment vas-tu ? Je ne te demande pas si tu as visité la ville, tu dois commencer à connaître…

Ca va merci. Oui, ça commence à faire beaucoup de fois que je viens dans cet hôtel (rires). Une fois Gloria et moi sommes allés au Ritz. C’est un endroit assez strict, et lorsqu’ils m’ont vu arriver avec ma dégaine, je ne te raconte pas leurs têtes (rires). Tu n’as pas vraiment le droit d’entrer là bas en tennis (rires). Cela dit nous avions déjà réservé notre chambre, donc ils ne pouvaient rien faire contre nous. Ils n’ont pas pu nous virer alors nous sommes restés là bas 3 jours (rires). C’était marrant (rires). Je préfère loger ici car au moins il n’y a pas de problème avec les tennis. La dernière fois ici, j’ai fait la fête avec Corey Taylor, Slipknot était en ville. Il est venu dans ma chambre, on s’est bourré la gueule, on a écouté de la musique en buvant des bières. C’était cool (rires).

« Dark Ages » est de loin l’album le plus sombre du groupe. Dans quel état d’esprit étais tu au moment de l’écriture, et d’où vient cet aspect sombre ?

En fait c’est une combinaison entre certaines chansons qui sont venus très naturellement après « Prophecy », et qui s’inscrivent dans une veine similaire à « Prophecy » en plus profond et plus agressif, et il y a aussi le côté world music que l’on a beaucoup expérimenté, une sorte de world music sombre. En réalité l’idée derrière l’album c’est de proposer quelque chose de plus sombre et agressif sur tous les plans. De la pochette aux percussions, un peu comme si nous baissions la lumière sur absolument tout, assombrir le tout. Je pense que le concept est plutôt cool. Faire de la world music sombre, c’est assez unique tu sais. Aucun autre album de Soulfly n’a ça et je ne connais aucun album de world music où l’on trouve cela non plus. World music sombre, cela semble sortir de nulle part (rires).

Cà tombe bien que tu parles de l’influence plus world que prend Soulfly, car autant par le passé tu as pu explorer différents styles avec Soulfly, autant depuis « Prophecy » la world music semble être ton influence majeure musicalement…

En réalité, on peut dire que je fais de la world music à ma façon. Il n’y a pas vraiment de livres pour t’expliquer comment faire de la world music. Je ne suis aucune règle, je suis uniquement mon instinct. Je pars en Serbie ou en Russie, j’enregistre avec des gars là bas, c’est assez fou en fait. Je n’ai jamais entendu le résultat de cela auparavant et je ne suis pas sur que cela a été déjà fait. Sinon, il y a une grande différence entre ce que j’écoute et ce que je joue. Je pense que c’est bien de ne pas mélanger ces 2 aspects. Certains trucs que j’écoute ne seraient à mon avis pas bien compris par les fans de Soulfly. Souvent quand j’écoute quelque chose, tout le monde dans la pièce se retourne et se dit : Mais bon dieu, qu’est ce qu’il écoute ? (Rires).

Au niveau des paroles, ton influence majeure semble être maintenant le reggae avec des titres comme Babylon ou I & I

Oui il y a un peu de ça ! Je pense que depuis l’album « 3 », j’écris plus de chose dans ce style là. Des trucs comme Downstroy. C’est une manière de trouver une autre utilité à ces choses. Je ne suis pas un rastafaraï, mais je sais ce que cela signifie, et j’aime beaucoup certaines choses qu’ils disent. J’aime surtout le concept : Babylon, le côté « anti-establishment », en marge de la société. J’ai écrit la chanson Babylon dans cet esprit.

En quelque sorte tu es attiré par le côté punk du reggae…

Oui totalement. Je pense que c’est pour cela que les punks apprécient les rastas et que The Clash appréciait Bob Marley, tu vois. Ils peuvent trouver un point d’accroche. En ce qui me concerne j’aime le punk, le reggae/dub et le metal. Pour moi ces 3 aspects s’unissent vraiment facilement. Peut être pas musicalement pour tout le monde, mais l’attitude est vraiment similaire. Même au niveau de l’apparence. Un rasta n’est pas si éloigné d’un fan de metal au niveau de son look. Un peu le genre exclu de la société tu vois, même si aujourd’hui bien sur c’est un peu à la mode, c’est devenu un cliché dans les films. Le portrait d’un fan de rock dans un film est toujours le même, il a un T-shirt AC/DC en général (rires). Quand tu creuses dans le monde du metal, tu découvres bien sur d’autres idées, d’autres looks. C’est la même chose pour les rastas. Le stéréotype rasta c’est le mec avec ses dreadlocks en train de fumer, mais si tu creuses plus loin et que tu rencontre des personnes en connexion avec cet univers, tu commence à rencontrer des gens vraiment très intéressants comme Adrian Sherwood, Ghetto Priest et Vision Of Foundation. Ces gens là ne correspondent pas au stéréotype du rasta par exemple mais épousent un certain nombre d’idées en commun. Je pense que c’est cool que Soulfly traîne un peu dans ce milieu.

Cet album est également celui ou le thrash et le hardcore sont le plus présents dans la discographie de Soulfly, les vieux jours te manquent ?

Ouais ! Je deviens vieux et je deviens plus fou (rires). En général tout le monde devient plus mûr en vieillissant. Moi je marche à l’envers ! Quand j’écoute du hardcore, je m’endors. Ma mère n’a jamais réussi à comprendre : whoa, il écoute Slayer et il s’endors (rires) ! Pour ma mère personne ne peut s’endormir en écoutant cette musique. Parfois je pense vraiment que j’ai un déséquilibre chimique (rires). Je bois du café, je deviens fatigué. Je fume de l’herbe, je deviens excité (rires). Tout marche à l’envers chez moi ! Les gars de mon age, deviennent plus calmes, ils ne veulent plus jouer trop lourd. Moi je veux du hardcore, de la rapidité, de la double grosse caisse (rires). Plus je vieillis plus je veux jouer lourd ! L’age c’est de la connerie. Nous vieillissons tous, mais notre esprit n’a pas à vieillir. Si tu le désires vraiment, ton esprit peut rester toujours frais, et la musique est une question d’esprit plus que tout autre chose.

Il y a une rumeur à propos d’un show récemment filmé pour un futur DVD live, est ce vrai ?

C’est plus une rumeur. Le show a été filmé. Mais nous filmons beaucoup de concerts en tournée. Sur le dernier DVD « The Song Remains Insane », il y avait déjà pas mal de live enregistrés sur le monde entier. Le concert dont tu parles a eu lieu à Varsovie dans une bonne salle. Slayer y jouait la semaine d’après. Bonne salle, 2000 personnes, de belles lumières. Une équipe télé a filmé tout le concert. Donc oui, nous avons le métrage mais je ne sais pas ce que nous allons en faire. Je pense personnellement que ce n’est pas le moment opportun. Nous devrions attendre la tournée « Dark Ages » car du coup sur ce concert il n’y a pas assez de chansons de cet album. Vous avez besoin de plus de « Dark Ages », plus de thrash (rires).

Ce serait vraiment bien de sortir un vrai DVD live ou un CD live car depuis la tournée « Prophecy » les concerts sont plus longs maintenant…

Oui, j’ai du arrêter de boire pour cela. Les fans se plaindront toujours de toute façon. Soit nous ne jouons pas assez longtemps, soit je ne parle pas assez entre les chansons (rires). Pour moi 20 chansons cela fait beaucoup de chansons (rires) et chez Soulfly cela ne représente même pas une heure (rires). Soulfly pour moi se doit de jouer comme les Ramones : 1, 2, 3, 4, yeah ! Maintenant nous pouvons faire des shows de 90 minutes car j’ai arrêté de boire. Sans boisson, j’ai plus d’énergie et je peux jouer plus longtemps. Mais parfois je trouve la durée des concerts trop longue. J’ai déjà eu ce problème en regardant Metallica. Ils avaient joué pendant 2 heures, un vrai cauchemar.

2 heures ? A mon avis si c’était il y a longtemps cela devait plutôt être proche des 3 heures car 2 heures c’est le minimum pour Metallica…

Peut être 3 heures alors, je ne sais pas, je suis rentré chez moi (rires). Je suis désolé, j’aime le groupe, mais au bout de 90 minutes j’ai regardé ma montre nous étions donc seulement à la moitié du concert, je me suis dit : allez je rentre chez moi maintenant (rires). C’est étrange pour moi de jouer ce style de musique pendant 3 heures. C’est beaucoup trop pour le cerveau.

Je suis un fan de Dream Theater tu sais, donc la longueur d’un concert n’est pas vraiment un problème pour moi, mais je vois ce que tu veux dire (rires)…

Oui mais leur musique est différente. Avec Soulfly, je pense que maintenant nous pouvons jouer plus longtemps puisque nous avons plus de breaks, les parties flamencos, les jams, plus de dynamique. Mais c’est dur (rires), 90 minutes est le maximum que nous pouvons faire. Au delà, c’est trop. J’essaie d’être juste avec le public. Je ne veux pas sur-jouer. C’est la même chose avec un album. Tu peux mettre 20 chansons dans un album, mais 20 chansons ça te fatigue. « Dark Ages » comporte 15 chansons, mais en réalité en enlevant les interludes et les intro il y a vraiment 12 chansons. Au-delà de cela, tu ne vas même pas écouter le truc en entier, tu vas perdre ton temps.

Soulfly est supposé être un groupe sans frontière depuis le début. Toutefois, il y a certaines règles à chaque album, il y a toujours une chanson en portugais, une chanson dédicacée à Dana et une chanson instrumentale nommée Soulfly, te sens tu prisonnier d’une certaine formule parfois ?

Non, je crois que tu dois être 2 choses dans un album. D’un côté tu dois être créatif, relever un challenge, et de l’autre côté tu dois garder ton intégrité, c’est important. Il y a certains groupes qui ne sont pas créatifs, qui font la même chose en permanence. Et il y a d’autres groupes qui sont créatifs au point de perdre leur intégrité, ils peuvent essayer de faire n’importe quoi, ils deviennent comme des prostituées (rires). Tu veux faire une chanson disco ? Ouais !! Ils n’ont pas d’intégrité. Personnellement je me trouve au milieu de ces 2 notions, intégrité et créativité. 2 mots très importants pour moi. Dans le monde de Soulfly, il y a un côté créatif et un côté intègre. Faire une chanson brésilienne et faire une chanson pour Dana cela fait partie du côté intègre. Je ne lâcherai jamais cela. Tu me prends il y a 10 ans ou dans 10 ans, mon côté intègre sera toujours là. C’est mon engagement. Je ne ferai jamais une chanson pour la radio, cela ne peut pas se passer. Je l’explique dans le DVD, je ne sais pas chanter de toute façon (rires).

C’est maintenant ton troisième album en tant que producteur. Comptes tu refaire appel à quelqu’un d’extérieur dans le futur ?

J’aimerai bien expérimenter à nouveau avec un autre producteur dans le futur. J’ai travaillé avec des personnes très intéressantes au fil des années. Pour « Prophecy » et « Dark Ages » je me suis trouvé dans une situation où je voulais que Soulfly grandisse mais sans épouser une tendance ou une mode du moment. Si tu prends un producteur, même un gars bien, il va essayer d’insuffler dans Soulfly quelque chose comme ça. Je suis totalement contre cela. Soulfly ne peut pas être comme ça. Soulfly doit être comme Led Zeppelin, écrire des chansons qui ne plairont pas à tout le monde. Le problème avec Soulfly est que si je prend un producteur, cela va être quelqu’un de plus gros que le groupe et cela va être davantage un problème qu’une solution. Pour le moment du moins. J’ai des noms en tête de personne avec qui j’aimerai bien travailler dans le futur. Tu sais mon album favori c’est « Chaos A.D ». Avec Sepultura du moins. J’étais très proche d’Andy Wallace, en tant que musicien avec un producteur, cet album est unique, il a crée une scission entre Sepultura et tout ce qu’il se faisait ailleurs…

« Roots » est encore plus spécial pour moi, spécialement au niveau de la production…

Mouais, « Roots » est un concept. Souvent je me demande comment cet album aurait été si nous l’avions fait avec Andy Wallace. Je pense qu’il aurait été encore beaucoup plus fou. Je ne sais pas, c’est dur à dire. Ross Robinson a donné quand même beaucoup d’attitude à ce disque. Mais avec « Chaos A.D », Andy Wallace a découvert des choses que nous avions au fond de nous que nous ignorions (rires). Cet esprit à la Led Zeppelin.

Il y a un DVD de Nailbomb qui est sorti récemment. Crois tu qu’il est possible de voir à l’avenir un DVD live de Sepultura époque « Chaos A.D » ou « Roots » ?

Oui cela se peut. Je n’ai pas de métrage en ma possession, mais je suis persuadé que quelqu’un en a. J’adore le DVD de Nailbomb, car Nailbomb est si punk rock. J’avais oublié à quel point nous étions punk rock. Dave et Alex sont tellement punk rock. L’autre jour nous le regardions dans le bus avec Joe Nunez mon batteur. Il était là : Qu’est ce qu’il ne va pas avec ce mec, Alex ? Moi : Qu’est ce que tu veux dire ? Joe : Mec, pendant toute la video, on dirait qu’il veut tuer quelqu’un (rires) ! Il a l’air vraiment dingue ! Etait-ce un mauvais concert ? Moi : Non c’était un super concert ! Mais c’est Alex, il est juste comme ça, en adéquation avec le concept Nailbomb. Quand je regarde ce DVD je le trouve vraiment incroyable, il n’y a rien du genre : allez tout le monde, chantez la chanson ! Nous ne parlons même pas au public, je pense que la seule chose que je dis, c’est au début : Bonjour la Hollande ! C’est tout, ensuite nous jouons tout le show d’une traite.

Je sais que tu n’es pas intéressé par une reformation de Sepultura et ce genre de choses. Mais je pense qu’il existe toujours un lien très fort entre toi et ton frère Igor, aimerais tu rejouer avec lui dans un autre projet à l’avenir et penses tu que cela serait possible ?

Oh oui. Je pense définitivement que c’est possible. Tu sais récemment nous venons de tourner avec Black Sabbath. Ces mecs ont été ennemis pendant longtemps tu sais. J’ai regardé beaucoup de concerts sur le côté des coulisses, et j’ai vu beaucoup de choses que le public ne peut pas voir. Il y avait vraiment des moments très cools. Ils se parlent beaucoup, j’ai vu Ozzy serrer dans ses bras Bill Ward. J’aime Igor, c’est mon frère. Nous nous entendons bien quand nous jouons. Mais… c’est très compliqué. Parfois entre nous c’est comme un cocktail Molotov (rires). Nous nous entendons bien, mais nous sommes assez différents.

Es tu donc en bon terme avec Sepultura maintenant ?

Ouais. Pour moi il n’y a jamais eu de mauvaise ambiance. Quelqu’un m’a dit quelque chose de très juste à propos du premier Soulfly. Beaucoup aurait agit en donnant des coups de poing, mais j’ai pris cela comme un homme, je ne suis pas devenu un trou du cul. J’ai agit en faisant : ok, ça me va. Je grandis et je fais quelque chose d’autre. C’est dur, car la plupart des gens seraient devenus dingues pour toujours. Je ne suis pas comme ça. Ca craint d’avoir été éjecté du groupe, mais bon je n’ai pas de ressentiment à propos de cela, c’est du passé.

Dimebag Darrell a été assassiné le 8 décembre dernier. Je sais que tu a tournée beaucoup de fois avec lui, as-tu une anecdote marrante à raconter à mes lecteurs pour laisser une mémoire positive ?

Il était toujours très gentil et très marrant. Il aimait la fête, il faisait tout le temps la fête en fait (rires). Nous avons tellement bu dans la tournée Pantera/Sepultura/Biohazard que je ne sais pas comment nous sommes parvenus à rester en vie (rires). Nous étions bourré tous les soirs (rires). Dimebag était là pour préparer des verres à tout le monde toute la nuit (rires). Il avait son rack de guitares qui lui servait en fait de bar car derrière le rack, son roadie préparait toutes sortes de mélanges (rires). Je disais à Dime : Tu n’as pas besoin de roadie, il te faut juste un barman (rires) ! Il me regardait amusé en acquiescent. C’était un mec vraiment cool même quand les choses avaient changées. J’ai tournée avec Pantera une autre fois mais au sein de Soulfly cette fois ci. Je ne faisais plus trop la fête déjà à cette époque, lui il était toujours le même mec cool. Il savait que je ne buvais plus trop, mais il s’en moquait, il restait toujours aussi cool et aussi amical. Il m’a acheté un pantalon camouflage car il savait que j’aimais ça. Il a trouvé cet éclatant pantalon vert camouflage qui rougeoyait dans la nuit (rires). Je ne l’ai jamais vraiment porté, plus spécialement depuis qu’il est parti. Je l’ai mis dans mon placard, je le garderai toujours, a chaque fois que je m’habille je vois cet éclatant pantalon camouflage (rires), je le revois me dire : Hé mec, je sais que tu aimes les pantalons camouflages, celui-ci est un petit peu différent (rires) !

Merci à Max Cavalera pour sa simplicité et merci à Laure et Karine de Roadrunner pour leur amabilité et leur fléxibilité au niveau du planning.