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METALLICA

Entretien avec Lars Ulrich (batterie)

24/07/08 - Milan

Metallica est de retour, 5 ans après un St Anger pour le moins décrié, avec Death Magnetic. Alors que le groupe doit nager en plein bonheur, ce 9 ème opus s’articule étrangement autour de la mort et des sentiments qu’elle peut susciter. Faut-il y voir le signe d’une fin proche du combo emblématique de la Bay Area ? Pas vraiment, à en écouter un Lars Ulrich loquace, confiant et toujours aussi à l’aise en promo !

Peux tu expliquer le sens du titre de l’album Death Magnetic ?

C’est un titre étrange que je pourrai difficilement expliquer. Il y a une chanson qui s’intitule « My Apocalypse » dans laquelle on peut entendre les 2 mots Death et Magnetic. On s’est tous réunis il y a quelques mois pour décider du nom du disque. James Hetfield n’en dit jamais trop sur le contenu de ses paroles mais j’ai tout de même senti qu’elles étaient particulièrement obscures cette fois-ci et qu’il y avait comme une sorte de fil conducteur à propos de la mort, la rédemption, le suicide et le pardon. Je voulais donc que l’album porte un nom vraiment sombre et j’ai proposé un titre avec le mot « suicide » dedans. Mais finalement nous avons trouvé qu’il ne serait peut être pas judicieux de nommer un de nos albums en utilisant un tel mot. C’est à ce moment là que Kirk Hammett a proposé Death Magnetic. Nous nous sommes alors tous regardés et nous avons trouvé son idée plutôt cool ! Ca sonne bien, ça a une bonne gueule lorsque tu l’écris et en plus ça ne veut rien dire (rires) ! Il y a comme une sorte de beauté poétique dans ce titre tout à fait inhabituel qui évoque bien sur le pouvoir de la mort et la façon dont elle peut t’attirer jusqu’à elle. Mais tout cela aura plus de sens lorsque tu liras les paroles car elles évoquent le rapport que les individus peuvent avoir par rapport à la mort et leur façon de l’anticiper. Le tout est évidemment abordé avec plus de poésie !

S’agit-il d’un album concept ?

Hum…non ! En tout cas ce n’était pas notre but au départ. Nous ne nous sommes pas assis ensemble en manifestant le désir d’écrire un album concept sur la mort ! Nous ne savons jamais avec Metallica comment les choses vont finir lorsque nous les commençons. Le mec de Paris Match m’a beaucoup parlé du film (ndlr : Some Kind Of Monster). C’est un bon exemple de notre fonctionnement. Nous commençons quelque chose à partir d’une idée et ensuite nous partons dans un long voyage qui aboutit soudainement sur quelque chose. Pour cet album, j’étais persuadé au départ que nous allions aider James dans l’écriture de ces paroles à la manière de ce que nous faisions dans les années 80. Une époque où on se réunissait souvent pour regarder des films, ou pour lire, ce qui nous inspirait fortement au niveau de l’écriture. Je lui ai alors proposé de regarder quelques films ensemble et de nous inspirer des news, mais très vite, j’ai réalisé qu’il avait envie de partir sur une expérience plus personnelle et qu’il valait mieux que je m’écarte (rires) ! Peu à peu il a commencé à écrire des choses et j’ai vite remarqué un lien entre tous ses textes.

Vous aviez drastiquement changé votre façon de travailler sur St Anger (2003). Tout le monde participait aux paroles, l’accordage des guitares était différent, sans parler bien sur de ton son de caisse claire et de l’absence de soli. Cette fois-ci avez-vous essayé d’expérimenter une nouvelle fois ou bien avez-vous préférer revenir à la formule classique ?

Nous n’avons pas voulu expérimenter sur ce nouvel album. En 2006 nous avons donné une tournée estivale, qui n’est pas passée par la France, mais sur laquelle nous avons joué l’intégralité de Master Of Puppets (1986) pour en célébrer les 20 ans d’existence. C’était amusant d’apprendre à nouveau à jouer tous les titres de ce disque et surtout d’accepter et de chérir à nouveau ces compositions et la façon dont elles avaient été enregistrées. Rick Rubin nous a vite déclaré : « N’ayez pas peur de ces albums ». Il sentait sans doute qu’il y avait une crainte du groupe de se répéter et de faire sans cesse la même chose. Il est clair que nous avons volontairement voulus nous écarter de notre style initial après And Justice For All (1988). Quelque soit le nom de ce style que nous avions, nous désirions qu’une seule chose : nous en éloigner ! Comme tu le sais, nous avons donc un peu oubliés ces albums pendant pas mal d’années et nous avons essayé diverses choses. Rick Rubin s’est assuré de nous faire comprendre que nous n’avions pas à éviter ces 4 premiers disques. Que nous devions les réécouter et nous en inspirer, sans pour autant les copier ! Il voulait vraiment que l’on se sente bien à nouveaux à propos de ces titres et que l’on retrouve l’envie qui nous animait à l’époque où nous avions écrits Ride The Lightning (1984), Master Of Puppets et And Justice For All. C’était l’encouragement perpétuel qui nous a permis de nous libérer sur Death Magnetic. Cela dit, je ne pense pas que Death Magnetic sonne comme un retour aux sources. En revanche, il serait plus simple de dire qu’il est totalement différent de St Anger, S&M (1999), Load/Reload (1996/1997) et le Black Album (1991) (rires) ! Evidemment, il ne s’agit pas non plus d’une collection de reprises (faisant référence à Garage Inc. paru en 1998) ! Mais très franchement, j’ai du mal à analyser ce que nous venons de créer. Si on en reparle dans 9 mois lorsque nous viendrons vous rendre visite en salle, j’aurai sans doute un meilleur avis sur la chose. L’élaborons d’un disque est transcendante et tu ne peux pas vraiment avoir une idée de ce que tu as fait sans un minimum de recul.

On peut remarquer l’utilisation de l’ancien logo du groupe sur la pochette de Death Magnetic. S’agit-il tout de même d’un message subliminal pour laisser croire aux fans qu’ils vont retrouver le Metallica des années 80 ?

Ce n’est pas tout à fait le même. Il s’agit d’une version un peu modifiée mais effectivement nous revisitons ce visuel avec cette pochette. Mais ce n’est pas une façon de laisser croire que nous revenons à nos racines. Cela montre juste que nous ne tournons plus le dos aux années 80. Je pense que nous avons très certainement dépensé trop d’efforts à nous échapper de notre passé. Mais en même temps, je suis tellement satisfait d’avoir eu les couilles d’essayer tout un tas de trucs dingues ! Peut être même que nous avions besoin de ça pour arriver au point où Rick Rubin nous demande de ne plus snober nos vieux albums. Je pense que tous nos disques sont liés les uns aux autres et je suis certain que Death Magnetic ne sonnerait pas ainsi sans St Anger. Mais pour revenir sur ta question, oui ce logo montre clairement que nous acceptons à nouveau notre passé !

Death Magnetic est le premier disque que vous faites avec Rob Trujilo. Quel a été son rôle et son impact sur la composition ?

Son rôle est très simple. Ce mec possède une âme tellement bonne et positive, qu’il est très agréable d’être entouré par sa présence. Il est toujours prêt et enthousiaste pour quoi que ce soit. Kirk a été absent à pas mal de moments de l’élaboration de l’album car il a eu son premier enfant et sa femme a très vite attendu un deuxième. Kirk n’était pas souvent là et Rob a été un parfait tampon entre moi et James. Rob est si rapide. Il veut toujours essayer plein de choses différentes. Il bosse vite et sans effort. Rob est tout simplement un bassiste fantastique ! Mais à chaque fois que je dis ça, je me sens obligé de dire que cela n’enlève rien aux qualités de Jason Newsted qui lui aussi était super mais d’une manière différente. Rob s’intègre à merveille et c’est vraiment facile de bosser avec lui, alors qu’il y avait plus de complications du temps de Jason. Parfois c’est amusant, lorsque Rob parle il dit : « VOUS devriez faire ça ». Je le reprends à chaque fois en lui disant : « NOUS devrions faire ça ! Tu fais parti du groupe ! ». Il ne réalise pas qu’il fait parti de Metallica depuis presque 6 ans. C’est tout simplement la moitié du temps que Jason a passé avec nous et le double de temps que Cliff Burton, paix à son âme, a fait parti du groupe. Rob est un membre à part entière de Metallica et c’est vraiment une bonne chose. Il a eu beaucoup d’impact sur la composition. Je ne peux pas vraiment te dire sur tel ou tel titre car nous n’avons pas composé des trucs chacun chez nous en nous réunissant ensuite. Nous avons écrit la musique tous ensemble, même si une nouvelle fois c’est James et moi-même qui en avons écrit la majorité. Mais Rob a eu son mot à dire et nous a apporté beaucoup de choses.

Tu évoquais Cliff Burton. Sachant que Rob joue également aux doigts et qu’il possède un background différent du tiens et de celui de James, retrouves-tu en quelque sorte l’alchimie que vous aviez du temps de Cliff ?

C’est dur à dire car Cliff était si spécial et si unique. C’était un musicien différent de tout ce que j’ai pu voir avant et après lui. Rob a des influences R’n’B (ndlr : pour rythm’n’blues et non pas pour le dérivé du hip-hop qui sévit aujourd’hui sur les ondes !) et beaucoup de groove dans son jeu tandis que Cliff avait l’influence de la musique classique et un énorme sens de la mélodie. Il avait une immense compréhension de la théorie musicale. Il a écrit pour nous des mélodies fantastiques dans « For Whom The Bell Tolls » ou « Orion ». Je n’ai jamais entendu quelqu’un capable de composer de cette manière. Mais Rob peut nous apporter toute son influence de la musique noire, que Cliff ne possédait pas. Avec Jason, c’était aussi très différent, car il se fondait avec la guitare et ne jouait pas vraiment avec la batterie. Mais c’était cool aussi car cela nous donnait beaucoup de puissance et d’énergie. Je suis heureux d’avoir eu avec Cliff, Jason et Rob, 3 types complètement différents des uns des autres et totalement uniques. Ils ont tous apportés leur pierre à l’édifice et c’est merveilleux. Ni Jason ni Rob n’ont essayé de copier leur prédécesseur et franchement tant mieux !

Il s’agit de la première fois que vous travaillez avec un autre producteur que Bob Rock depuis 15 ans. Etait-ce étrange d’accueillir une nouvelle tête avec Rick Rubin ?

A vrai dire, c’était censé être étrange ! C’était le but de notre démarche ! Nous avions un réel besoin de changement et de nouveauté, sans quoi nous aurions peut être fait un St Anger Pt.2 ! Mais pour tout te dire, lorsque j’ai appelé Bob Rock en lui apprenant que l’on désirait un changement, je pense qu’il était lui aussi tout à fait prêt à cela. Mais j’adore ce mec ! Il compte tout simplement parmi mes meilleurs amis. Je lui ai déjà fait écouter Death Magnetic et il était très important pour moi d’entendre ce qu’il avait à en dire. Tout se passe bien entre nous.

Selon toi, qu’est ce que Rick Rubin a apporté à Metallica ?

Sa contribution a été de dresser une sorte de gros tableau. Il a beaucoup de grandes idées. Ce n’est pas un musicien. Il ne s’assoit pas à tes côtés et te dit de jouer telle ou telle partie différemment. Par contre il te dit : « jouez avec un accordage plus aigue, car la voix de James sonne mieux dans ce contexte ». On a donc essayé de revenir à un accordage plus traditionnel et effectivement, les vocalises de James ont tout de suite mieux sonné ! Il nous a également dit : « lorsque vous jouez, arrêtez de vous concentrer uniquement sur votre propre instrument. Souciez vous uniquement des 3 autres musiciens ». Soudainement tu te mets à écouter tes partenaires et pour la première fois en 25 ans de carrière le groupe joue réellement ensemble ! Voici le genre de contribution qu’il a eu. Il a vraiment établit un grand dessin pour le groupe. Il a une bonne vision. Il sait trouver quand telle partie ne convient pas à telle autre. Mais il n’est pas le genre de gars à triturer les potards de sa table pendant des heures ou à prendre une guitare et te dire d’utiliser tel accord à la place de tel autre. Il reste assis sur son canapé et soudainement il intervient en te suggérant le genre de choses que j’ai évoqué précédemment. Tu es en train de jouer puis tout à coup il se lève et fait : « Vous ne jouez pas ensemble les gars. Écoutez-vous ! ». Avec lui il n’y a que la vibe et l’atmosphère qui comptent. La difficulté est que tu dois croire en lui, car si tu ne lui fait pas confiance, tu auras bien du mal à comprendre ce qu’il est en train de faire parfois. Dès que tu lui poses une question, il te répond : « arrête de t’inquiéter. Vous vous faites du souci sur tout un tas de trucs inutiles. Contentez vous de jouer, tout se passera bien ! ». Au début tu luttes contra ça, puis arrive un moment où tu finis par te rendre et à lui faire confiance. A croire en la magie de Rick Rubin, même si il n’est pas évident de décrire ce que c’est ou même d’en parler (rires) ! Mais je suis sur qu’il joue de son côté mystérieux pour se donner encore plus de pouvoir. C’est un type très intelligent et il a une superbe oreille. Il vit et respire en permanence la musique.

Sans faire de mauvais jeu de mot sur la cure de James, on peut penser que St Anger a ramené un peu de sobriété à Metallica avec le son cru de l’album et la production relativement modeste de la tournée qui a suivi en 2003/2004. Doit-on s’attendre en réaction à une production énorme sur Death Magnetic et à un show grandiloquent sur la prochaine tournée ?

C’est une très bonne question. Je ne sais pas vraiment concernant le son de Death Magnetic (l’album n’étant pas encore mixé et masterisé au moment de l’interview), mais je peux affirmer que cela ne sera pas aussi gros que le Black Album. Rick Rubin ne croit pas en ce type de production qui voit tout à la surenchère. Il veut juste s’assurer que tout soit bien en place et parfaitement carré. Il veut conserver un côté direct et très vivant. Il n’y a donc pas toutes ces fioritures que nous pouvons broder habituellement autour des morceaux. Pas d’arrangements superflus. La production est en revanche bien plus grosse que celle de St Anger, mais il n’y a pas 25 pistes de guitares pour chaque riff ! Le tout reste très in your face et James n’a pas harmonisé à outrance son chant. Concernant la tournée, elle débutera en octobre aux Etats-Unis. C’est la première fois que nous jouerons en salle en 4 ans ! Et je peux t’affirmer que nous avons déjà de très grands projets. Nous allons encore revenir avec une scène originale qui exploite le centre de la salle. Un peu comme ce que nous avons fait en 1996 dans le monde entier ou en 2004 aux Etats-Unis.

Alors que nous sommes dans l’ère numérique et que tous les groupes bossent naturellement plus vite qu’au temps de l’analogique, il semble que Metallica soit une exception…

Non, c’est juste que nous sommes partis en tournée plusieurs fois pendant l’élaboration du disque. Cela ne s’était jamais produit avant. Cela fait 3 étés de suite que nous passons en Europe ! Nous nous sommes également rendus au Japon et en Afrique Du Sud. Nous avons joué au concert de charité de Neil Young et dans tout plein d’autres évènements. C’est fantastique ! Metallica n’a jamais aussi bien fonctionné que depuis les 2 dernières années et c’est grâce à ce genre de choses ! Nous parvenons à trouver l’équilibre qui nous convient. Nous avons fait ces quelques tournées courtes, nous avons passé moins de temps en studio d’affilé. Je suis absolument certain que si tu compares les heures passées en studio pour Death Magnetic avec celles de Load ou du Black Album, il y en a beaucoup moins ! Mais elles sont réparties sur une durée plus longue. Il nous a fallu un an pour enregistrer le Black Album, mais nous étions en studio 6 jours par semaine et 18 heures par jour ! Aujourd’hui nous passons 4 jours par semaine, 2 ou 3 semaines par mois et jamais plus de 6 heures par jour en studio. Ce rythme est bien meilleur pour nous car il nous permet de pouvoir contrebalancer le studio avec notre vie de famille. Nous avons réalisés que si nous passons trop de temps à faire quelque chose, nous pétons les plombs ! Et l’avantage de notre situation est que nous sommes réellement nos propres chefs ! Lorsque nous prenons conscience qu’une façon de fonctionner devient un bon investissement pour Metallica, nous le faisons savoir et cela se passe ainsi. Notre management peut toujours se plaindre, mais c’est comme ça et pas autrement ! Lorsque nous allons faire la tournée américaine, nous donnerons une semaine de concerts, puis nous prendrons une semaine de repos et ainsi de suite. Cela nous permet de concilier tournée et vie de famille. Nous ne voulons pas être absents trop longtemps et nous voulons passer du temps avec nos enfants. 1 semaine de concert, 1 semaine de repos et nous arriverons quand même à ce rythme là à couvrir l’ensemble du territoire américain. Evidemment notre management voit ça d’un mauvais œil et prétexte que l’on gagne moins d’argent que ce que l’on pourrait, que tous ces aller et retours coutent trop chers. Et alors ? Nous l’avons choisi et ça n’a pas à concerner qui que ce soit d’autre. Ok cela coûte plus d’argent mais pour nous c’est un bon investissement dans l’entité Metallica. Nous sommes en ce moment même à Milan et nous y restons la semaine. Hier nous étions en Roumanie et demain nous jouons en Bulgarie et évidemment le fait d’aller et venir en jet privé est plus onéreux. Mais cela nous permet aussi de pouvoir emmener notre famille avec nous en Europe et de passer du temps avec elle. Ca ne fait qu’améliorer le fonctionnement de Metallica car peut être que sans cela, cette tournée n’existerait même pas ! Tu vois ce que je veux dire (rires) ? Pour revenir sur la prochaine tournée, je vais te révéler quelque chose pour la toute première fois : nous allons emporter en Europe en février ou mars 2009 la scène que nous avions aux Etats-Unis en 2004 et je peux te dire qu’il y aura quelques trucs dingues sur ce show !

Tu disais tout à l’heure que vous n’avez plus peur de votre passé et cela s’en ressent dans les setlists actuelles. A Bologne, vous avez même joué 5 titres de Kill’Em All (1983)…

5 titres ! Vraiment ? C’est assez fou en effet ! Je ne compte pas vraiment le nombre de titres par album lorsque j’établis la setlist...

En tout cas on peut clairement sentir que Metallica est devenue moins égoïste et essaie de combler les fans davantage que dans les années 90, où on pouvait clairement sentir que le groupe prenait du plaisir à tomber dans l’autosatisfaction et faire ce que bon lui semble !

Hum… lorsque je prépare la setlist, j’essai de varier les plaisirs et de proposer quelque chose de différent de la dernière fois. Pour ton exemple de Bologne, je vais te dire comment cela s’est passé précisément ce jour là. Je me pointe dans ma loge dans laquelle se trouvent les 10 dernières setlists que nous avons jouées en Italie. J’essaie donc ensuite de proposer quelque chose de différent histoire que les fans qui nous suivent le plus ne soient pas lassés. Lorsque nous viendrons à Arras, je peux t’assurer que je vais regarder la setlist des 2 derniers shows parisiens que nous avons faits à Bercy en 2003 et dans ce stade (ndlr : Parc Des Princes) en 2004. Je choisirai alors au moins 7 titres que nous n’avons pas joués à ces 2 concerts. Je procède toujours ainsi. Cela donne le maximum aux fans et c’est également plus rafraichissant pour nous. Je ne pourrai plus faire comme dans les années 90, une époque où nous restions toute une tournée avec le même set ! Cela nous tuerait aujourd’hui ! C’est désormais hors de question car ce n’est pas amusant. Nous avons entre 40 et 45 chansons que nous pouvons jouer à n’importe quel moment. Je respecte les gens qui nous suivent en tournée et je veux leur offrir quelque chose de différent à chaque fois. Puis il y a aussi notre site livemetallica.com sur lequel tu peux écouter (ndlr : ou plutôt acheter !) tous nos concerts 1 ou 2 jours après que nous les ayons données ! Les concerts ne sont donc plus réservés aux gens qui y assistent mais bel et bien à l’ensemble du globe ! Mais tu viens de poser le doigt sur quelque chose de très intéressant. C’est une très bonne question que l’on ne m’a jamais posé et sans y avoir réfléchi, je pense que tu as raison. Je suppose qu’en vieillissant, notre vie de famille nous apporte plus de bonheur et cela entraine que Metallica tombe beaucoup moins aujourd’hui dans l’autosatisfaction. Je craignais vraiment auparavant de trop caresser les fans dans le sens du poil car si tu donnes aux fans ce qu’ils demandent, tu deviens vite un vulgaire produit ! (en désignant sa bouteille d’eau) Je ne voulais pas que Metallica devienne San Pellegrino ! A chaque fois que tu ouvres une de ces bouteilles, tu sais exactement à quel gout t’attendre. Je ne veux pas devenir comme Kiss, je ne veux pas être un groupe prévisible où les fans savent à chaque fois à quoi s’attendre. Cela fait 27 ans que nous avons commencé et il y a toujours eu du changement ! Heureusement car cela aurait été vraiment lassant de faire sans cesse la même chose ! Alors oui, nous étions certainement égoïstes dans les années 90 et nous donnons sans doute plus aux fans par le biais de ces setlists aujourd’hui. Mais qui sait ce qu’il en sera dans 10 ans ? C’est la beauté de la chose et c’est ce qui nous garde en vie !

C’est génial d’avoir toutes ses setlists old-school aujourd’hui, mais il est clair que l’on doit vous féliciter pour avoir eu l’audace de sortir Load en 1996 car c’est un très bon album, même si sa différence l’a souvent rendu incompris…

Merci beaucoup. J’adore Load et Reload ! Nous avons par exemple ressortis « Devil’s Dance » au début de cette tournée et nous l’avons gardé dans le set un petit moment. J’avais oublié à quel point ce titre est heavy ! J’ai toujours défendu cette époque du groupe mais les gens me disent toujours que Reload est une merde. Et bien si Reload est le pire album de notre carrière, ce n’est pas si mal (rires) ! Ca me convient en tout cas !

St Anger a lui aussi reçu un accueil controversé. Quel est ton opinion dessus avec le recul ?

Là c’est différent. Je comprends tout à fait que les gens peuvent avoir du mal à accrocher sur ce disque compliqué. C’est quelque chose que je réalise de plus en plus. Mais nous l’avons fait et nous avons eu les couilles de le conserver tel quel ! C’était une étape nécessaire pour nous. Nous devions changer notre façon de faire car nous étions devenus un groupe si fragile depuis le départ de Jason. Il était hors de question de procéder de la même manière que dans les années 90. Nous nous sommes donc forcé à tout changer. Nous avions peur que sans changement, nous allions retomber dans tous nos travers, toutes nos engueulades et tout ce stress ! Il n’y avait plus aucun plaisir dans les années 90. Chaque jour voyait sa bataille entre moi, James Hetfield et Bob Rock. L’enregistrement de St Anger devait donc être différent pour que l’atmosphère change et il en est sorti ce disque que beaucoup n’apprécient pas et qui convient à d’autres qui apprécient sa pureté, son énergie et sa complexité. Pour moi il fait partie à part entière de notre discographie et se mêle très bien au reste. Je ne changerai absolument rien sur St Anger. Peu de gens savent ce que je vais te dire, mais lorsqu’il a été question de sortir le film Some Kind Of Monster (2004), nous avons approché Randy Staub pour qu’il refasse le mixage des titres de St Anger afin qu’ils sonnent davantage comme ceux des premiers albums. Pour les rendre moins « St Angry » en somme (rires). Il a commencé le boulot sur 2 ou 3 chansons puis nous avons réalisés que si nous le laissions faire ça, il s’agirait tout simplement du plus gros truc de vendu de notre carrière ! C’était une idée du management, mais nous les avons envoyé se faire foutre ! Tu ne peux pas faire ça, car cela revient à ne pas assumer ce que tu as crée. Cela aurait été injuste envers St Anger et le travail que nous avons fourni pour le faire. Mais encore une fois, sans St Anger, pas de Death Magnetic !

Tu évoques Some Kind Of Monster qui montre un Metallica vraiment faible et fragile contrairement à ce que l’on avait pu voir dans 1 Year And A Half (1992) qui documente une époque où vous sembliez être les maitres de l’univers ! Sachant que Metallica semble avoir retrouvé aujourd’hui toute sa confiance, n’éprouves tu pas un certain regret d’avoir sorti en 2004 un film qui vous montre sous votre plus mauvais jour ?

Non. Tu sais bien que je me fous de savoir ce qui est bien ou mal et ce que l’on devrait sortir ou non. Nous avions demandé à Joe Berlinger et Bruce Sinofsky de venir nous filmer en studio lorsque nous étions au Presidio (ndlr : endroit où Metallica avait commencé à bosser sur son 8 ème disque. Les sessions du Presidio n’ont jamais été utilisées). Puis tout à coup, James se fait la malle pendant un an et toutes les emmerdes commencent. Ces mecs étaient en train de filmer tout ça mais nous n’avons jamais demandé à ce que quelqu’un vienne faire un film sur la chute de Metallica ! Nous voulions simplement qu’ils nous filment pour sortir un making-of en DVD bonus avec le cd. Puis 2 ans plus tard, Joe Berlinger nous appelle en nous disant qu’il pense avoir le meilleur film jamais réalisé sur un groupe de rock ! Le film donne accès à des choses que personne n’a jamais vues sur Metallica et c’est ce qui est génial dans ce film. 20 ans avant nous avions décidé d’être le plus accessible possible pour les fans et Some Kind Of Monster est l’ultime geste dans cette direction, car il est impossible de se dévoiler davantage ! Ok, il y a sans doute des choses que l’on n’aurait pas du montrer, sans doute des choses que les gens ne veulent pas voir. Mais bon, tout le monde veut avoir accès au groupe et si tu n’aimes pas ce que tu vois dans ce film, tapes toi dessus si tu veux mais c’est la réalité telle qu’elle est et j’en suis fier (rires) ! Nous dévoilions beaucoup de choses sur 1 Year And A Half mais il s’agissait uniquement du bon coté du miroir ! Alors que là nous avions donné carte blanche à Joe et Bruce car nous avions confiance en eux. C’est la dimension dramatique du film qui fait qu’il est vraiment réussi. Il y a même une fin heureuse ! Mais j’avoue qu’il est étrange pour moi d’en parler car c’était une époque difficile pour nous et cela commence à dater. Ca fait 6 ans et tout cela est derrière nous car, comme tu as pu le sentir, tout va beaucoup mieux depuis !

On peut même sentir que la santé de Metallica est meilleure sur les concerts. Tous ceux que l’on a pu voir entre 2006 et 2008 sont bien meilleurs que les concerts de la tournée de St Anger

Tout à fait ! Je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais quelque chose nous est arrivé pendant l’été 2006. Les dates en Afrique Du Sud n’avaient pas été si bonnes que ça mais lorsque nous avons foulé la scène du Rock Am Ring en 2006, première date de la tournée européenne et première fois que nous jouions Master Of Puppets en intégralité, ce fût tout simplement un des meilleurs concerts de notre carrière, et c’était diffusé en live sur MTV ! Pourtant nous étions nerveux car il s’agissait de la première date de la tournée mais nous avons vraiment assuré ! Et je n’ai vraiment pas l’habitude de dire ça ! Le lendemain, nous jouions sur le Rock Im Park et le concert était au moins aussi bon que celui de la veille ! En 2006 nous avons donné beaucoup de concerts qui comptent parmi les meilleurs de notre carrière et depuis c’est comme s’il y avait une nouvelle façon de communiquer entre nous sur scène et une nouvelle énergie ! Je peux le sentir dans le public et évidemment sur scène. Alors après je ne vais pas raconter de salades et dire que tout est tout le temps merveilleux depuis. Bucharest hier soir n’était pas terrible, entre autre à cause de toute cette pluie, mais il semble que depuis l’été 2006 il y a un nouveau feu qui nous anime. James Hetfield est au top de sa forme et on s’amuse beaucoup sur scène.

Pour finir, on peut voir dans Some Kind Of Monster que l’opinion de ton père compte beaucoup à tes yeux. Que pense-t-il de Death Magnetic ?

Jusqu’à présent, j’ai fait écouter Death Magnetic à Robb Flynn (Machine Head), Jerry Cantrell et Mike Inez (Alice In Chains), Bob Rock, à quelques mecs de System Of A Down et la semaine dernière à quelques membres de Mercyful Fate. Evidemment la personne pour laquelle j’ai ressenti le plus de crainte au moment de l’écoute est mon père. Mais il a apprécié. Il a approuvé et a trouvé que cela sonne comme du Metallica. Venant de sa part, c’est le compliment ultime (rires) ! J’ai pu faire écouter quelques titres à des amis en qui j’ai confiance et dont l’opinion m’importe. Pour le moment toutes les réactions sont positives mais il est clair que mon père me dit toujours ce qu’il pense vraiment et qu’il n’hésite jamais à me signifier son désaccord (rires) !