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NEUROSIS

Entretien avec Steve Von Till (chant/guitare)

21/04/07 - 013 - Tilburg

 

Un mois avant de sortir l'excellent "Given To The Rising", Neurosis était d'escale en Europe en tête d'affiche du Roadburn Festival de Tilburg fin avril. L'occasion de discuter de ce nouveau chef d'oeuvre des américains avec l'amical Steve Von Till.

Salut Steve. Tout d’abord « Given To The Rising » marque un retour à une musique plus énervé pour Neurosis. D’où vient cette rage retrouvée ?

Eh bien, c ’est sans aucun doute un album agressif qui marque une sorte de retour, mais nous ne sommes pas vraiment d’accord avec cette déclaration. Nous n’avons jamais fait d’albums doux tu sais (rires). Nous exprimons notre musique de plusieurs manières. Nous exprimons toute l’étendue des émotions humaines sous différents angles. Il s’agit ici sans aucun doute de la prochaine étape de l’évolution que nous suivons depuis 21 ans et cet album nous emmène dans de nouvelles contrées. Nous sommes partis du type de structure de morceaux que nous avions sur « The Eye Of Every Storm » et nous avons construit le nouvel album autour de ça. Nos vieux albums étaient également agressifs mais ils n’ont rien à voir avec celui-ci. Nous avons une manière très différente de faire de la musique aujourd’hui. Lorsque la musique est introspective et que tu essayes d’aborder toutes les émotions humaines, la colère est quelque chose de facile à exprimer pour nous. Pas nécessairement la colère mais l’intensité. Il ne s’agit pas d’une colère inutile. C’est un feu concentré et canalisé.

Est-ce que cet album a été une réaction à « The Eye Of Every Storm » ?

Oui dans le sens où c’est la prochaine étape mais nous ne régissons pas par rapport à notre musique passée. A chaque fois que nous faisons un album, nous nous rapprochons de plus en plus du but initial qui était de trouver le moyen d’exprimer un esprit authentique et des émotions réelles au travers du son. Nous devenons meilleurs à chaque fois et nous nous rapprochons de plus en plus de ce but, même si nous ne l’atteindrons probablement jamais. Mais au moins nous essayons.

Steve Albani a une nouvelle fois produit l’album. Le considérez vous comme le 7ème membre du groupe ?

Non, il a seulement enregistré l’album et non il n’est pas le 7ème membre du groupe. Les gens font souvent la confusion entre l’enregistrement et la production d’un album, c’est pourquoi je t’ai corrigé. Le job de l’ingénieur du son est de capturer la musique. Les producteurs disent au groupe ce qu’il faut faire et modifient la musique. Nous n’avons jamais laissé qui que ce soit nous produire. Nous n’avons même jamais laissé qui que ce soit avoir une opinion sur notre musique (rires). C’est personnel. C’est notre musique, nous ne la faisons pour personne d’autres. Nous la faisons pour nous même, nous faisons la musique que nous voulons entendre. En tant que personne, Steve a l’étique de se foutre de ta musique. Quelque soit ta musique, il veut juste s’assurer qu’elle sonnera au mieux. De façon la plus naturelle possible. Nous travaillons à chaque fois avec Steve Albani parce que nous connaissons notre musique, nous savons comment nos instruments sonnent, nous avons une relation avec nos amplis car nous les utilisons depuis si longtemps (rires). Nous aimons le son de l’endroit où nous enregistrons et nous voulons sonner comme nous dans cet endroit. Beaucoup de groupes changent souvent d’endroits ou d’ingénieurs du son et essaient de sonner naturels par des moyens qui ne le sont pas. Tandis que nous préparons notre matos et que Steve enregistre. Tout simplement. En fait nous enregistrons live en quelque sorte. Nous travaillons en analogique avec du matos vieille école. On monte le matos et on joue, comme un groupe. Avec toutes les couches dans notre musique, les gens pensent que c’est alambiqué, mais en réalité c’est juste de cette façon que nous composons. Nous avons enregistré cet album en à peine 6 jours.

Les projections visuelles forment une partie importante de vos concerts. Est-ce que certains titres sont parfois écrits à partir des visuels ? Ou alors écrivez vous toujours la musique en premier et ensuite viennent les visuels ?

En général nous écrivons la musique en premier. Mais je peux très bien imaginer dans le futur que nous écrivions à partir de visuels car lorsque nous écrivons, la façon qu’on a de décrire aux autres ce que nous voulons est très visuelle. Parfois nous pouvons décrire quelque chose mettant en scène de la pierre, du feu et de l’eau. Nous montons des scènes. On peut décrire la réflexion de quelqu’un qui est en plein milieu du désert et qui cherche quelque chose. Nous essayons de jouer ce genre de scènes. Tout cela est donc visuel mais à la base la façon dont nous communiquons se fait par le son. C’est lui qui transmet toutes nos émotions.

Je trouve que Noah Landis a fait un super boulot sur cet album. Il utilise des samples originaux et terrifiants. A-t-il eu une plus grande contribution dans l’élaboration de l’album ?

Pareil qu’à chaque fois. Comme je t’ai déjà dit nous nous rendons nous même à cet esprit qu’est Neurosis et qui nous pousse à faire de la musique. Ca se passe naturellement. Nous n’en parlons pas, nous n’intellectualisons pas notre musique. Nous commençons à jouer et tout arrive. Ce que la musique réclame, nous le donnons. Il faut croire que cette fois la musique réclamait ses couches sonores terrifiantes et agressives mais je dirai qu’il n’y a pas plus de samples dans cet album que dans les précédents. Mais étant donné que la musique de cet album est si baisée et agressive, cela réclamait peut être de la part de Noah des sons plus déments. Mais il y a également certains sons que les gens prennent pour des samples mais qui viennent en réalité de la guitare. La guitare est plutôt non orthodoxe sur cet album.

Jouer la musique de Neurosis en concert doit être quelque chose d’intense mentalement. Est-ce que vous vous plongez dans un état d’esprit en particulier avant un concert ?

Oui. Lorsque tout se passe parfaitement, nous ne sommes même plus là. Il n’y a plus que du son. Nous devenons du son qui sort de la terre et qui traverse la colonne vertébrale afin d’atteindre le cerveau. Mais ce n’est pas toujours aussi parfait, car la réalité intervient parfois. Il peut y avoir un problème technique, un flash venant du public ou quelque chose dans le genre qui attire ton attention et te fait redescendre. Mais la plupart du temps il s’agit surtout d’incarner l’esprit de la musique. Nous ne sommes pas un groupe très confortable avec le public. Nos concerts ne sont pas traditionnels. Nous ne parlons pas. Nous ne faisons pas toutes ces conneries. Cette musique est sérieuse pour nous. C’est notre vie. C’est quelque chose de très profond spirituellement pour nous. Nous essayons de nous laisser aller avec le plus de pureté possible lors d’un concert.

Pour rester sur les concerts, vous en faite vraiment peu. Pourquoi ?

Nous ne vivons pas de la musique et cela n’a jamais été le cas. C’est un travail d’amour pour nous. Avant nous jouions des centaines de concerts par an et ça devenait trop dingue. Ca n’aide pas ta musique de faire autant de concerts car tu te consumes plus vite. Tu ne peux pas être créatif en tournée. Tu ne peux pas être un homme productif dans un van. Tu n’es pas productif backstage, tu ne peux qu’être productif pendant 90 minutes. Ce n’est tout simplement pas la vie que nous voulons mener. Nous voulons rester chez nous à élever nos enfant et être de bons pères. Nous étions fatigués d’être pauvre en permanence, partir en tournée et ensuite essayer de trouver un boulot de merde une fois rentré pour payer son loyer. Nous avons préféré nous focaliser sur de vrais boulots, sur notre vie de famille et à vrai dire nous avons fait plus de musique depuis que nous avons arrêté les tournées. Nous avons fait beaucoup plus de musique en comptant nos différents projets et le fait que nous dirigeons notre propre label. Ces 7 dernières années ont été incroyables pour nous. Nous avons écrits nos meilleurs albums, nos albums les plus risqués. Aujourd’hui nous jouons des concerts où nous voulons les jouer, avec qui nous voulons les jouer et quand nous voulons les jouer. Il faut aussi que cela ait du sens avec notre vie, que l’on garde un équilibre et que ces concerts en deviennent plus spéciaux.

Il y a quelques années vous avez commencé une série de Bootlegs officiels. Je me souviens d’un live à Lyon et un à Stockholm. Où en est ce ?

Nous en ajouterons un jour mais nous avons été plus concentrés sur d’autres choses. Cela dit nous avons peu de bons enregistrements de nos concerts. Mais ça arrivera. Certains sont issus de cette même tournée et nous n’avons pas voulu sortir trop de choses d’un coup couvrant la même période. Avec chance nous allons en rassembler plus et les sortir mais ces derniers temps nous étions plus concentrés sur nos derniers albums.

Pensez vous sortir un DVD live ?

Non. Ce n’est pas trop notre truc. Il ne faut jamais dire jamais mais nous ne pouvons pas donner l’impression aux gens qu’ils étaient au concert avec un DVD. Tu dois le ressentir, tu dois être là. Nous sommes plus intéressants avec ce que nous avons fait pour « A Sun That Never Sets » où nous avons représenté l’album visuellement.

Quoi de neuf avec ta carrière solo ?

J’ai un nouvel album terminé. J’attends maintenant d’avoir une pochette. Nous travaillons en permanence sur tout un tas de projets. En dehors du nouveau Neurosis, j’ai été très inspiré dernièrement par mon projet Harvestman car j’ai maintenant mon propre studio et je peux aller là bas n’importe quand pour faire des trucs étranges à la guitare.

Merci à Steve Von Till ainsi qu'à Lauren et Andreas de Southern Records et Yvonne MacLean de Relapse.