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THE HAUNTED

Entretien avec Peter Dolving (chant)

03/11/06 - Café Charbon - Paris

  

The Haunted vient de sortir un 5ème album très controversé avec "The Dead Eye" qui se met déjà à dos de nombreux fans. Le passage des suédois à Paris début novembre était la parfaite occasion de s'entretenir avec la piplette du groupe, son chanteur Peter Dolving. Comme à son habitude, le bougre n'a pas la langue dans sa poche et développe toutes ses réponses qu'elles concernent le dernier album aussi bien que la politique.

Salut Peter ! Le moins que l’on puisse dire est que « The Dead Eye » présente un changement radical dans la musique du groupe. Quels étaient les buts à atteindre avant d’entrer en studio ?

En faisant cet album nous étions plus déterminés sur ce que nous voulions obtenir. Nous voulions faire quelque chose de plus mélodique et de beaucoup plus lourd. Par le passé nous mettions l’accent et notre énergie sur quelque chose avec lequel nous étions en sécurité : les morceaux rapides. Mais après avoir donné 250 concerts, tu réalises que tu commences à t’éloigner de certaines chansons car elles t’ennuient et nous avons commencés à nous concentrer sur les trucs plus mélodiques car nous prenions du plaisir à les jouer. Il s’est avéré que le public appréciait également ce genre de chansons. Je pense que nous avons discutés avec justesse sur ce que nous voulions accomplir avec cet album et comment nous allions le faire. Ce que nous aimions au fur et à mesure que l’écriture avançait, les quelques références amusantes à d’autres groupes et nous avons beaucoup joués ensemble cette fois ci. Nous avons réellement pris le temps pour chaque chanson d’écouter celui qui apportait les idées et nous avons fait en sorte que les autres se transforment en instruments pour lui. Nous n’avons pas voulu nous mettre la pression, nous avons pris notre temps contrairement à chaque album précédent. Toute la tournée pour « Revolver » nous a permit de nous connaître à nouveau en tant que personne. Je ne faisais plus parti du groupe depuis 5 années, c’est un long moment quand même. En revenant nous devions réapprendre à nous connaître. C’était une bonne expérience et je pense que nous sommes tous fiers de ce nouvel album car c’est une progression mature du groupe et de ce que nous faisons.

Il est clair que cet album est plus mélodique, plus lourd, plus varié et a plus de groove que les précédents. Vous commenciez donc à vraiment être lassé du thrash direct ?

Oui nous sommes lassés de la façon traditionnelle et linaire d’écrire ce type de chansons. Nous avons voulus revenir à ce que nous expérimentions à l’époque où nous commencions à écrire de la musique, en apportant d’autres influences comme le rock progressif et même de la musique folk d’une certaine façon. Faire quelque chose avec plus de dynamique, qui ressemble plus à un voyage. Nous sommes un groupe live. Nous faisons des albums bien sur, mais l’intérêt du groupe est de jouer live. Beaucoup de groupes partent en tournée, simplement parce qu’ils doivent le faire. Mais pour nous, la véritable expérience est lorsque tu viens voir le groupe et que tu écoutes la musique en concert. Nous éprouvons une certaine fierté à faire ça car si des gens viennent nous voir en concert nous devons leur donner le meilleur de nous même. Ca nous à emmener à atteindre différents échelons. Nous ne sommes pas des virtuoses, individuellement je ne pense pas que nous sommes des musiciens incroyables, mais nous faisons ensemble de la bonne musique. C’est la raison d’être du groupe.

Tu évoquais des influences progressives. Même si on est très loin du style avec « The Dead Eye », j’ai effectivement trouvé que cet album possède une sorte d’ambiance progressive…

Oui je suis d’accord. Tous les membres du groupe écoutent beaucoup les premiers Yes ou King Crimson. C’est de la musique excellente et de très bonnes influences. Je pense que je mets toujours un album comme « Red » lorsque je suis dans une fête (rires).

L’année dernière tu m’avais dit ne pas être totalement satisfait de la production de « Revolver ». Tu la trouvais trop rigide et lisse. Je trouve effectivement que le son est plus naturel et organique ce coup ci mais vous avez encore travaillé avec Tue Madsen. Qu’est ce qui a été différent cette fois ?

Cette fois ci, nous avons eu l’opportunité de pouvoir enregistrer avec Tue et de pouvoir nous asseoir ensemble et parler de ce que nous voulions faire. C’est quelque chose que nous n’avons pas eu le temps de faire la fois précédente. Nous étions dans un studio différent pour enregistrer, alors que cette fois ci nous sommes restés avec Tue Madsen tout le long. Ca a permit à Tue de comprendre ce que nous voulions faire. Eviter quelque chose de périmé comme du metalcore car c’est devenu un véritable format d’expression. Il y a tellement de groupes qui arrivent, sortent un album et ils sonnent tous de la même façon. C’est assez ennuyeux. Tu n’as pas envie d’écouter le même album encore et encore et tu n’as pas envie que ton groupe sonne comme tous les autres. Je ne vois pas pourquoi c’est quelque chose de bon à atteindre. Ca ne l’est pas. Où est l’expression individuelle, la personnalité, l’âme dans tout ça ?

Musicalement cet album est plus que jamais l’œuvre des jumeaux Bjorler. Apparemment Jensen n’a rien composé du tout…

Non c’était une année sabbatique pour Jensen (rires). Effectivement Anders et Jonas se sont investis à fond sur l’album. Mais nous avons tous contribués. En fait je trouve même que Jensen a eu un gros impact sur l’album car il y a beaucoup de riff ici et là que j’ai cru qu’il avait écrit la première fois que je les ai entendus. Le fait que nous jouons ensemble depuis si longtemps fait qu'Anders peut écrire des riffs dans le style de Jensen sans même y penser. Mais il le fait. En vivant ensemble depuis tant d’année, on commence à former une famille et à penser de façon similaire. Nous nous influençons mutuellement.

Au niveau des paroles, quelle a été l’idée ou le concept derrière « The Dead Eye » ?

J’ai voulu faire quelque chose de terrifiant. J’ai eu envie de me débarrasser de certaines choses à l’intérieur de moi-même et je pense que j’y suis presque arriver. C’est un peu effrayant lorsque tu commences à faire cela. Plus j’écris de façon personnelle, plus j’ai l’impression que cela devient quelque chose d’universel. Je n’ai pas l’impression de m’ouvrir, je parle juste avec mon cœur et il n’est pas différent de celui de quelqu’un d’autre. Il en résulte peut être que c’est un être humain qui parle à un autre être humain. C’est la principale différence, il n’y a pas de distance. Ce n’est pas fermé, c’est ouvert, c’est honnête. Je suis plus satisfait des paroles de cet album. J’aime bien ce que j’ai écrit sur les anciens également mais je suis devenu plus clair sur la façon de transmettre les émotions. Ces chansons sont de différentes façons bien moins critiques de la société dans laquelle nous vivons. Il s’agit plus ici de regarder à l’intérieur de soi en tant qu’être humain. Cet album parle d’introspection. Essayer de trouver sa propre réflexion et de se comprendre un peu plus.

Je suis content de t’entendre davantage utiliser tes capacités vocales sur cet album. Il y avait par le passé quelques lignes de chant clair ici et là, mais pas tant que ça. Avais tu peur à l’époque d’exprimer davantage cet aspect de ton chant ?

Oui. Etre chanteur est quelque chose de difficile car tu dois t’écouter. C’est bizarre et effrayant. Plus particulièrement lorsque tu enregistres du chant clair car je suis humble et je sais que je ne suis pas un bon chanteur. C’est un fait ! Je dois donc travailler dur pour que cela sonne bien. Même quand tu parviens à obtenir la bonne tonalité et à bien chanter la mélodie, cela ne veut pas dire pour autant que tu arrives à faire passer quelque chose. Tu dois comprendre ce que tu fais et sentir ce que tu chantes. Je dois remercier Per et Anders qui m’ont supporté et poussé dans cette direction. Ils me disaient : allez ! Tu peux le faire ! C’est plus facile pour moi d’hurler car je le fais depuis si longtemps. Techniquement c’est plus simple. Mais je crains un peu parce que je fais tous ces petits exercices de vocalise avant les concerts (rires). C’est difficile de t’imposer cette discipline mais j’ai compris que j'y suis obligé si je veux chanter concert après concert. Nous jouons plus longtemps désormais, nous jouons 1h30 et je ne sais pas comment je fais (rires). Je suis complètement hors de forme. Je n’ai rien foutu pendant les 6 derniers mois. J’aurai du, mais j’ai préféré passer du temps avec les enfants. Bien manger, me reposer…

Passer du temps à se battre sur Blabbermouth (ndlr : ces derniers temps, Peter a crée plusieurs polémiques sur ce site qui publie chacun de ses longs récits anti-capitalistes et anti-religieux parus sur sa page myspace)…

Non, ce n’est pas vraiment passer du temps. Cela prend 5 ou 10 minutes tout au plus. J’ai passé beaucoup de temps à nager. Il y a une crique où j’habite et j’y passe pas mal de temps à jouer avec mes enfants. Ce n’est pas très metal tout ça (rires).

Avez-vous en projet de sortir un live avec toi au chant ?

Il n’y a pas de projets. Si cela se passe, cela se passe. Si cela ne se passe pas, cela ne se passe pas. Je n’en ai aucune idée. Si nous étions en 1984, je suis sur que tout serait plus défini. Nous sommes en 2006 et bientôt en 2007. Nous ne savons même pas si il y aura toujours une industrie du disque dans 5 ans. Nous savons qu’il y aura toujours des groupes et des gens qui veulent voir de la musique en concert. Mais je ne sais pas si tout ce qu’il y a autour existera encore. Il y aura bien sur toujours un peu de ça car tant que nous vivrons dans une société capitaliste il y aura toujours des gens entrepreneurs qui auront envie de faire de l’argent. Evidemment il y aura toujours un peu de business. Est-ce que ce business sera basé sur les groupes comme il pourrait l’être ? Ou sera-t-il basé sur les compagnies comme il l'est aujourd’hui ? Car aujourd’hui les maisons de disque sont de diverses façons bien plus grosses que les groupes, ce qui est ridicule. Il devrait juste être question de gens qui aiment la musique et qui paye par certains moyens ou supportent par différents moyens le groupe. Est-ce qu’il y aura toujours des maisons de disque dans 5 ou 10 ans ? Je ne suis pas convaincu. La façon dont cela se passe sur Internet, n’est pas forcement la marche à suivre, mais cela peut être une voie. Cela pourrait être bon de bien des façons car ça enlèverait cette connerie de méthodologie qui entoure les groupes. Il y a trop de distance aujourd’hui entre quelqu’un qui aime de la musique et celui qui la joue. Il y a tellement de gens aujourd’hui qui jouent de la musique sans avoir de réelle passion, de sens profond de la vie ou d’aspiration à se comprendre en tant qu’artistes. Pour moi tu dois attacher de l’importance à cela. Mais beaucoup de gens voient la musique comme un métier que tu peux apprendre à faire et laissent tout le côté image à quelqu’un d’autre. Ensuite une imagerie est crée autour de toi et tu deviens quelque chose que tu n’es pas. L’industrie du disque a une part de responsabilité là dedans. Mais ce n’est pas à blâmer. Tu ne peux pas blâmer l’industrie du disque. Ce n’est pas individuellement de la faute d’une banque ou d’un avocat que nous vivons dans une société capitaliste. C’est la responsabilité de tout le monde. Je pense que l’habileté à jouer d’un instrument devrait être pris plus au sérieux mais aussi moins au sérieux. Nous ne sommes pas des dieux. Nous sommes des gens normaux. Nous faisons de l’art, un métier. Mais notre métier est celui du cœur si nous le faisons avec passion et honnêteté. Nous vivons dans un monde si superficiel. Tout à l’heure j’évoquais le metalcore. Cette scène est basée sur l’image. Si tu vas dans le nord de la Suède, nous avons des bars dansants où il y a juste 2 gars en train de jouer du violon et toi tu tapes du pied sur le sol. C’est transcendant car tu te donnes, tu donnes ton ego à la musique et au moment. Je pense qu’il devrait uniquement s’agir de ça car les gens peuvent venir dans cet endroit et trouver de la force et quelque chose de guérisseur. Lorsque tu vas à un bon concert, tu ressors avec un sourire au visage comme si tu venais de recevoir quelque chose, tu te sens bien même si tu ne l’étais pas spécialement avant le concert car vivre dans notre monde est parfois astreignant.

Es tu gêné par le fait que beaucoup de fans de The Haunted considèrent que le groupe est vendu depuis que tu es revenu ?

Je pense qu’ils veulent juste me sucer (rires). Ils veulent attirer mon attention. Marco est très bon dans son style, mais je pense que c’est un style très limité. J’aimerai bien pouvoir grogner de cette façon car il a quelque chose d’incroyablement brutal, très brut. Je n’ai pas cette capacité et il n’a pas ma capacité à chanter des mélodies. Peut être que nous ferons un jour un album où nous chantons tous les 2 (rires). Qui sait ?

L’année dernière tu m’évoquais ta crainte devant la montée des forces conservatives en Europe. Je suppose que tu n’as pas été très satisfais des élections législatives suédoises qui ont lieu en septembre dernier ?

Non (rires). Je ne suis pas très content de l’augmentation du néo libéralisme qui est en train de s’emparer de l’Europe. Je pense comprendre pourquoi cela se passe car c’est évident. Nous vivons dans une société qui glorifie l’ignorance où la surface compte plus que tout, où le succès est mesuré en argent. Tout est quantifié et correspond à de l’argent. C’est ridicule, bien sur. Je suis sur que beaucoup de gens ressentent cela dans leur cœur mais en même temps chacun d’entre eux doit se dire : je suppose que je n’ai pas vraiment le choix, je crois que je dois laisser tomber ! (S’adressant au micro) S’il vous plait ne faites pas ça, vous n’avez pas à le faire. Il ne faut pas abandonner et vous pouvez voir d’autres voies. On peut accepter le système tel qu’il est, mais accepter est différent du fait de rentrer dedans. Tu peux te dire : ok, voilà ce que nous avons, et voilà ce que je veux. Tu peux faire un pas à partir de là. C’est aussi simple que cela. Mais non je ne suis pas content du fait que le monde commence à être plus conservateur et moins humaniste. Je ne vote plus. Je pense que l’idée même du parlement et de la démocratie est ridicule. Je suis anarchiste. Je crois vraiment dans les principes de l’anarchie car ils sont créatifs et donnent à chaque individu ses propres responsabilités. Tu dois accepter en tant qu’individu d’être responsable de toutes tes actions et que les conséquences sont les tiennes. Cela ne signifie pas qu’il n’y aurait plus de justice. Les juges seraient des individualités dans le contexte d’autres individualités. L’anarchie est simplement basée sur les individualités pas dans le sens dont les gens voient cela traditionnellement. Pas dans le chaos, car c’est ridicule. Le chaos est un terme abstrait, un terme physique qui n’a rien à voir avec des choses matériels. Anarchie = absence de leader. Ce n’est pas parce qu’il n’y aurait pas de chef qu’il n’y aurait plus de structures, bien sur que non. Evidemment nous avons besoin d’électricité, de routes et de nourritures. Nous avons besoin de tout ce que nous avons aujourd’hui. Ce que nous faisons, ce n’est pas comme si nous ne voulions pas le faire. Je veux jouer de la musique. A nous de s’assurer que ce soit possible, si toi et moi voulons y participer. Si quelqu’un n’est pas intéressé, il n’a pas à y participer. Dans chaque famille fonctionnelle, il y a une multitude de choix. Ces choix sont fait à travers des conflits et des débats. Evidemment il y a toujours des moments où tu n’es pas d’accord. C’est complètement naturel. Dans la société traditionnelle dans laquelle nous vivons actuellement, nous avons peur du conflit. Nous voyons le conflit comme quelque chose de destructeur. Non ça ne l’est pas ! Le conflit est quelque chose de très créatif car cela apporte des émotions que nous pouvons prendre en considération afin de faire des choix qui sont créatifs. Je suis sur qu’initialement, avoir une révolution anarchiste est un oxymore. Cela n’arrivera jamais. C’est impossible ! Ce qui pourrait arriver est d’avoir quelques personnes suffisamment intéressées sur ce qu’est l’anarchie. Ca apporterait juste des changements au fil du temps. Pour moi il est évident que l’anarchie est la façon la plus crétive de structurer une société. Parce que tu trouves dans une société anarchiste des groupes de gens que l’on appelle fédération. Elles peuvent être grosses ou petites. Une grande fédération est construite à partir de petites fédérations. Tout au bout tu as ce simple individu. A la place de notre parlement traditionnel, tu as une personne qui appelle une autre personne. Si les 2 sont d’accord sur quelque chose, ils peuvent peut être le faire ensemble ou pas. De cette façon tu peux faire les choses que tu dois faire, que tu as choisi de faire. Le parlement c’est juste un individu qui obtient le pouvoir par vote. Le pouvoir représentatif. L’idée d’anarchie n’est pas comme cela du tout. Tu as une personne désignée par les autres de sa fédération, pas pour représenter le pouvoir mais pour pousser l’idée de tel ou tel groupe d’individus. Il ne s’agit que de représentation mais pas de pouvoir. Il s’agit d’idées, de besoins et de communication. (L’interview doit s’arrêter là car Peter est attendu par son tour manageur pour manger avec les autres membres du groupe) Ca y est l’interview s’est transformé en une longue discussion politique (rires). Désolé je dois partir manger !

Merci à Peter Dolving et Valérie Reux.